Chapitre 17

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Valìnn

Voilà maintenant près d'une semaine que nous gravissons la montagne. Le sommet du Mont Trivestes se rapproche petit à petit, bien que le voyage semble infini. Seules les habitations, de plus en plus fréquentes au cours de notre ascension, indiquent que la capitale approche. Notre montée est monotone et les journées semblent se répéter dans un cycle infernal. Malgré les heures passées ensemble, le groupe met beaucoup trop de temps à se souder faute, peut-être, de nos caractères si différents et de nos conflits mutuels. Nous arrivons cependant, quelques rares soirées autour du feu de camp, à nous détendre, à oublier la Lune de Sang de tout ce qui s'en suit, à mettre nos différents de côté :

« Je peux ravoir de la viande ? », demande Solonn pour la sixième fois depuis le début du repas.

« – Il n'y en a plus », rétorque abruptement Aschta, ennuyé par son jeune frère, qui, selon lui, ne semble exceller que dans l'art de la dégustation. Le roux affiche une mine dépitée et je vois son regard se tourner lentement vers mon reste de viande crue. Il me fixe quelques secondes et me sourit de son sourire qu'il appelait « charmeur ». Mon visage s'affaisse humoristiquement, et je lui tends mon assiette en plastique, un sourire aux lèvres. Il l'attrape sauvagement et engloutit la portion, à croire qu'il n'avait pas mangé depuis des semaines.

« – Vous êtes beaucoup trop doux avec lui », vocifère Aschta, « si je le traîne avec moi dans ce périple, c'est pour qu'au moins il grandisse ».

L'indifférence de Solonn nous amuse, et nous tentons tous de réprimer nos rires devant le visage en colère de son grand frère. Le jeune loup-garou en revanche ne prête aucune attention au sentiment de son aîné et éclate d'un grand rire sans retenue. Il nous embarque avec lui dans sa bonne humeur et je m'esclaffe également. Malgré son air sérieux, nous voyons tous le sourire d'Aschta se dessiner, et il ne tarde pas à nous rejoindre. Je me tourne alors vers Lénéris. Elle aussi prend part à notre gaieté, mais à l'écart. Toujours à l'écart. Elle ne s'installe jamais près de nous, à côté du feu. Cela pourrait bien être du à son caractère, tout simplement, mais je pense que cela a un lien avec son bras de glace. Si curieux, j'ai hésité à lui en parler, mais une courte discussion avec Aschta m'a faite comprendre que ce membre n'a rien de naturel. Elle aurait perdu son bras droit durant la première Lune de Sang, celle qui a fait tant de ravages dans notre monde. Alors je n'ai rien dit, je n'ai fait qu'observer discrètement. Outre sa triste raison d'être, ce membre, tout de glace, à la fois solide et gazeux, était une merveille de la création, et j'étais bien décidé à lui demander des détails dessus lorsque j'apprendrai à la connaître.

Après trois semaines et cinq jours de marche, nous parvenons enfin au sommet de la montagne. Ce matin, nous nous réveillons dans un hôtel. La nuit dernière, pour célébrer notre arrivée, j'ai offert à notre troupe une nuit dans un chalet, dans de vrais lits, avec un vrai dîner. Plus que quelques heures de marche nous séparent de la ville de Mirralith, que nous ne tardons pas à atteindre. La vue d'ici est magnifique. La ville moderne présente une architecture gothique claire et illuminée resplendissante, et la vallée, la forêt ainsi que la mer en contre-bas nous coupent le souffle. Nous nous attardons, sans prendre en compte les ordres de discrétion d'Arcan, dans les rues marchandes bordées d'arbres au feuillage bordeaux. Comme j'aurai aimé être venu là plus tôt, sans une mission mortelle à l'esprit.

Cette sensation de légèreté et de liberté ne dure pas longtemps, car nous atterrissons vite dans les quartiers éloignés du centre-ville. Les endroits cachés, rejetés par la société. Des rues insalubres nous entourent, des femmes mendient. La féerie est depuis longtemps partie. C'est ici que nous allons vivre pendant pas loin de deux semaines. Cette idée est dure à soutenir, mais je tâche de ne rien en montrer, ne souhaitant pas alarmer mes compagnons plus qu'ils ne le sont déjà. Alors nous continuons notre route jusqu'à parvenir à l'auberge où nous demeurerons. Sa haute stature vide avec de toutes petites fenêtres et ses murs de bétons grisés par le temps la rende encore plus lugubre que son entourage.

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