BLINDLY [Sous contrat d'édition chez &H]

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒

Vancouver, Canada

Louis

Ce n'est pas un rêve. C'est bien elle. Là, juste devant moi. À quelques centimètres seulement.

— Je suis désolé, s'exclame-t-elle en retirant sa main comme si la mienne l'avait brûlé. C'est juste que je suis... Je suis...

— Aveugle, terminé-je avec difficulté.

Prononcer ce mot me cause une peine immense. Ma cage thoracique se comprime et j'ai du mal à respirer. Mon cœur hurle son prénom, alors que mon cerveau, lui, me rappelle toute la souffrance et le malheur qu'elle m'a causé. Je ne dois pas succomber à nouveau, je dois rester fort. Mais je ne peux m'empêcher de détailler chaque partie de son être.

Elle a tellement changé. Pourtant, mon cœur, lui, bat aussi fort qu'au premier jour. Ce visage inondé de taches de rousseurs. Ce corps qui rendrait jalouse même la perfection. Cette voix mélodieuse qui m'hypnotise à chaque mot. Cette main si douce et chaleureuse. Ce parfum à la vanille si enivrant. Elle m'a tant manqué que je dois me retenir pour ne pas la prendre dans mes bras et la serrer très fort. Et cette fois, je ne la lâcherai plus jamais.

C'est déroutant tout ce qui peut changer en deux ans. Si on m'avait dit que je la retrouverais aveugle, je n'y aurais jamais cru. Ma poitrine m'élance douloureusement. Cet organe que je pensais mort depuis deux ans, depuis que je l'ai quitté, se réveille d'un long sommeil. C'est tout sauf agréable, c'est comme s'il était transpercé par un millier d'aiguilles.

Elle ravive des souvenirs troublants en moi. C'est un peu comme si je rentrais à la maison après un long voyage. Mais elle ne m'accueillera pas. Plus aujourd'hui en tout cas.

— Oui, c'est ça, lance-t-elle, moins hésitante. C'est pour ça que je galère à retrouver ma pièce.

Ses paroles accélèrent mon rythme cardiaque. Je suis pétrifié devant elle, paralysé par ces retrouvailles au goût amer. Mon corps ainsi que ma langue refusent de m'obéir. Toute ma concentration est rivée sur elle. À peine de retour et je suis déjà sous le charme.

Putain, Louis, n'oublie pas comment ça s'est fini la dernière fois, me sermonne cette voix que je ne connais que trop bien. Elle ne veut plus de toi et tu le sais très bien.

Oui, je le sais. Mais cette soudaine proximité bouleverse tout dans ma tête. C'est comme agiter une bouteille de whisky devant un alcoolique. Elle agit telle une drogue sur moi. Toutes mes cellules réagissent à son toucher, au seul son de sa voix. L'envie de ressentir à nouveau sa peau contre la mienne me consume. Je veux de nouveau sentir sa main sur la mienne. Juste quelques secondes de plus.

« Vous deux, ça ne sera jamais possible, alors ôte-toi ça du crâne et vite »

Certes, je le sais. Je le sais très bien même. J'irais même jusqu'à trop bien. On me l'a assez rabâché pendant des années. Mais l'espoir fait vivre après tout, ou plutôt survivre pour être exact. Me résigner à renoncer à elle est un supplice. Avec la lenteur d'un condamné, je ramasse la pièce, puis la dépose dans sa paume. Je profite de ce dernier contact à la dérobée. De sa chaleur et de sa douceur qui me rappelle tout ce que j'ai perdu.

— Merci beaucoup, murmure-t-elle en replaçant une mèche rebelle derrière son oreille. C'est gentil...

Elle laisse sa phrase en suspens, me questionnant ainsi silencieusement sur mon identité. Elle dirige son visage vers ma direction et mon cœur se brise à nouveau. Ils sont recouverts par des patchs orangés. Ses beaux yeux verts. Ceux dans lesquels je me plongeais à m'y noyer et qui me faisaient penser que tout était possible. Peut-être que c'est un signe du destin pour me faire comprendre que tout n'est plus possible. Que nous, c'est plus possible.