Chapitre 1.

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La Veine. Cet endroit était, d'un point de vue extérieur, une simple agglomération de maisons entourées de poussière de charbon, séparées par des routes de terres étroites, et la nature. Cet endroit était sa maison. 

Du moins, c'est ainsi qu'elle et sa famille l'apellait pour le moment; et évidemment, ils ne l'avaient pas choisie. Ils s'y étaient faits, au fil des années; tout comme le choix de sa famille. Oui, Lucy Gray Baird avait eu une famille, autrefois. Elle était la seule fille de la fratrie et la plus jeune; une petite Covey aux cheveux bruns et à la peau olive; comme sa mère. Elle avait eu deux frères: deux frères ainés dont elle oubliait bientôt les visages, après tant d'années.

Sa mère avait été membre des Covey, un peuple Nomade; grâce à elle, elle avait vu défiler le paysage de Panem, des Districts, des montagnes, des forêts, des lacs, des saisons et connus bien des visages différents.

Lucy Gray était née trois ans avant le début de la première rébellion.

Depuis toute jeune, elle se souvenait que sa mère la baignait dans une bassine de bois après l'avoir emplie d'eau chaude et de lait, puis, elle déposait sur la surface des pétales de roses, que la petite fille s'amusait à mâcher avec amusement. 

Encore aujourd'hui, la vue d'une rose lui rapellait le goût qu'elles avaient dans son enfance, et la douceur avec laquelle sa mère la lavait dans la bassine.

L'odeur du lait tiède, les pétales caressant sa peau, et la chanson que sa mère lui fredonnait avec un demi-sourire sur les lèvres... C'était des comptines sur l'enfance, sur la liberté, sur des voyages à travers la Nation, la découverte de nouvelles contrées inexplorées. 

Sa mère était jeune et belle; des yeux noisettes, une peau olive comme sa fille et ces vêtements colorés qui avaient fait sa renommée; des robes à volants, des jupes aux couleurs violettes, rosées, jaunes, ou de la couleur du coucher de soleil. 

Elle appréciait également peindre le cuir de certains de ses habits; les corsets qu'elle portait étaient décorés de fleurs sauvages peintes, et l'un de ceux-ci revint à sa fille après sa mort. 

La robe favorite de Lucy Gray Baird lui venait de sa mère; un vêtement dans lequel elle se sentait confortable; qui lui rapellait qui elle était et avait l'odeur de sa véritable maison. L'odeur de sa mère.

Cette dernière était également connue pour être une fine cuisinière; partout où ils voyageaient, elle s'arrangeait pour mijoter à sa famille et aux voyageurs qui se joignaient à leur périple des petits plats délicieux, des desserts sucrés avec très peu d'ingrédients. 

Mais maintenant, l'odeur de sa mère avait disparu. Elle avait fuit la maison qu'ils avaient occupée, fuit les rues du Douze, et il ne restait d'elle que ses os enterrés un peu plus en arrière de la maison qu'ils partageaient avec le reste des Coveys. 

Lucy Gray sortit de son bain et s'essuya rapidement avant d'enfiler avec précaution ses vêtements, resserrant le corset peint, avant de peigner rapidement ses cheveux bruns.

Nous étions le quatre Juillet, le soleil allait bientôt se lever, et la cérémonie de la Moisson allait elle bientôt démarrer.

Mais au lieu de se diriger vers la Place, la jeune fille traversa le petit jardin à l'arrière de la maison, enjamba les morceaux de bois qui sortaient de la terre, saillants, vestiges de ce qui avait autrefois été une clôture, et descendit le talus qui s'enfonçait dans la forêt. 

Elle contourna quelques arbres, chantonnant à voix basse quelques notes, tentant de chasser l'angoisse et la colère qui grandissait en elle à mesure que l'heure de la Moisson approchait; elle leva le nez en l'air, admirant la cime des arbres, le ciel bleu, et l'horizon qui s'étendait à perte de vue. 

LA BALLADE DE LUCY GRAY BAIRD (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant