III - L'As de trèfle

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«La vie est la somme de tous vos choix. Alors, que faites-vous aujourd'hui ?
Albert Camus.»

Depuis les cuisines, suivant d'une oreille curieuse et attentive les échanges tumultueux du prince et de son père, Hanta grimace en cachant sa bouche contre sa main.
Sans même avoir eu le temps de prendre un repas et une courte pause dans sa journée de service, il se prépare déjà à devoir intervenir en cas de débordement trop violent.
Si les dîners entre Izuku et son père ne se font jamais dans la tendresse et la bonne humeur, ils ne sont néanmoins pas tous aussi agités.
Mais celui de ce soir s'annonce vraiment mal.

Rapidement après avoir perçu le son d'une gifle, en comprenant le départ d'Izuku grâce aux cris de colère du roi qui tente de le rappeler, il choisit d'abandonner ces dames à leurs fourneaux pour partir à la poursuite de son jeune maître.

Empruntant alors les couloirs des domestiques, pas suffisamment fou pour passer devant le souverain furieux, il s'élance dans une course nerveuse pour ne pas perdre de temps.
La coursive sombre et étroite fait résonner l'écho de ses pas pressés autant que sa respiration qui s'accélère et, après un long détour qu'il aurait aimé s'éviter, le chemin le ramène vers l'entrée du château, qu'il trouve évidemment vide.
Sans l'ombre d'un doute, il pense naturellement à chercher le prince à l'extérieur du bâtiment, probablement vers le verger, ou bien aux abords des écuries.
Izuku ne se promène presque jamais dans la cour principale, préférant les larges étendues et la compagnie des chevaux à celle des fontaines et des buissons taillés.

Soucieux malgré lui, il se répète les mots du roi à l'égard de son fils.
Si Izuku déteste profondément l'homme qui est son père, et s'il n'accorde aucune importance à ses exigences ni à ses projets, aucun enfant ne peut supporter de telles paroles en provenance de la bouche de ses propres parents.
Il sait, et il comprend, que le prince se cache pour souffrir de cette conversation loin du regard des autres.
Comme souvent du reste, Izuku ne montrant que rarement ses peines et ses faiblesses à ceux qui l'entourent.

Dehors, le soleil se prépare à saluer son public avant son départ, mais sa présence le long de la ligne de l'horizon continue d'éclairer le décor de rayons oranges.
La lumière se faufilant entre les branches garnies des grands arbres, puis se reflétant sur les eaux des fontaines, elle donne à la cour du château une élégance toute particulière, dont il ne se donne malheureusement pas le temps de profiter ceci dit.
À peine les portes passées, il s'empresse de jeter son regard à droite et à gauche, constatant sans vraiment de surprise qu'Izuku a déjà disparu des abords de l'entrée des lieux.

Puis, en s'avançant jusqu'en bas des marches, il place ses espoirs en la présence d'un soldat de la garde royale posté près d'un mur.
Reconnaissant par ailleurs l'homme que lui et son maître observaient par la fenêtre plus tôt dans la soirée, il s'approche rapidement de lui en le voyant marcher lentement en direction de la cour arrière.

_ Pardonnez mon intrusion. s'excuse t-il d'abord en courbant son dos pour interpeller le commandant. Avez vous vu passer le prince Izuku ?

Légèrement surpris, l'homme aux cheveux blonds se tourne vers lui en arquant un sourcil.

_ Oui, il est passé il y a deux minutes à peu près.

_ Vers où est il parti ?

_ Par là. précise le commandant en indiquant sa propre direction.

Dıx huıt mıllıons d'étoılesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant