Chapitre 9

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Je l'aime, même si parfois elle me désespère!

Natasha est ma meilleure amie depuis huit ans. Nous nous sommes rencontrées sur les bancs de la fac et notre alchimie amicale n'a pas immédiatement fait des étincelles. Le temps s'est chargé de nous rapprocher petit à petit, fou rire après fou fou rires, épreuves après épreuves.

Sous ses airs insouciants se cachent des blessures profondes qu'elle maquille à coup de sourire et d'aventures sans lendemain. Je ne l'ai su que bien plus tard, ses barrières érigées si haut qu'il m'a fallu une éternité pour les franchir. Maintenant je sais, je la comprends ou du moins j'essaye de le faire et elle me rend la réciproque. Chaque personne réagit différemment face à l'impensable; il n'y a pas de manuel nous expliquant l'attitude à adopter quand nous sommes confrontés à un drame. Je ne pense pas qu'il y ait de bonne ou de mauvaise attitude, juste des personnes qui se permettent de critiquer sans savoir.

Natasha ne juge pas mes réactions excessives, intériorisées, parfois même incompréhensibles et je lui rend la pareille. A force de la côtoyer, je sais quand elle va mal, quand elle retrouve un peu de baume au cœur, ou quand elle replonge dans son passé douloureux. Pourtant, de l'extérieur, elle est toujours égale à elle-même, seul un œil averti peut percevoir les nuances. Nous sommes différentes en tout point, et c'est peut-être ça au final qui fait que nous sommes si proches; nous nous complétons.

Elle est la folie, là où je suis la raison.

Enfin, en temps normal!

Dire qu'elle est éberluée quand je lui raconte ce que je viens de faire est un euphémisme.

- Tu te moques de moi? Toi? Tu as menti? Et tu n'es pas tombée dans les pommes?

- Concentre-toi sur la route, détourné-je l'attention, je sors des urgences, je n'ai pas envie d'y retourner!

Alors que je fixe mon regard sur le décor qui défile à travers la vitre de la voiture, je ne peux retenir un sourire léger de fleurir sur mes lèvres.

Ce n'est pas tous les jours que j'arrive à surprendre mon amie et, d'un côté, je suis plutôt fière de ne pas être si prévisible pour une fois.

- Alors c'est pour ca que j'ai poireauté pendant une demi heure dans ma voiture? Pour que tu te fasses passer pour la petite amie d'un mec amnésique qui te trouve moche et tout ça pour le mater en chemise d'hôpital? Mais t'es une petite tordue en fait! me taquine-t-elle.

Cette fois-ci je ris. Déjà que je me trouvais dingue, vu sous cette angle je passe carrément pour une perverse. Venant de n'importe qui d'autre je l'aurais mal pris, mais dans sa bouche cela devient un compliment que je prend le temps d'apprécier.

Alors que Natasha me ramène chez moi, elle me raconte toutes ses péripéties de la semaine et j'avale ses paroles comme on déguste une bonne série à la télévision.

Une fois garées, elle insiste pour me raccompagner jusqu'à mon appartement, me maintenant par le bras comme si j'avais mille ans. La dernière fois qu'elle m'a tenu ainsi, c'était le jour de l'enterrement de Rose. J'ai beau être entourée d'une famille, il n'y avait qu'elle qui pouvait m'empêcher de sombrer ce jour-là

- Tu peux me lâcher, tu sais, je n'ai rien du tout! la rassuré-je.

- Prends ça pour un soutien psychologique ma belle, ce n'est pas tous les jours que l'on devient une menteuse professionnelle! Les premiers temps cela peut être dur à porter!

Je lui assène un coup d'épaule en rentrant chez moi pour qu'elle arrête de se moquer. Quand je suis sortie de l'hôpital, je me sentais mal, trop de mauvais souvenirs sont remontés à la surface et j'étouffais. A présent, protégée par ces quatre murs et rassurée par la présence de mon amie, je commence doucement à reprendre mon souffle.

Sink with youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant