Chapitre 7

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Un chuchotement m'extirpe de mon rêve .

La fatigue s'attarde sur mes yeux tandis que papillonne des cils pour m'en débarrasser. Je me sens lourde, courbaturée , j'ai la bouche sèche et les paupières gonflées. Je dois offrir un bien joli tableau!

Il me faut plusieurs secondes avant de me souvenir de l'endroit où je me trouve. Il ne fait pas encore jour et la lumière tamisée de la pièce éclaire à peine les visages des personnes présentes. Me frottant la figure du revers de la main, je laisse s'échapper les dernières limbes de sommeil qui s'accrochent désespérément à mon corps. Je retiens un bâillement alors que la soignante remarque ma présence.

- Mademoiselle, vous ne devriez pas rester ici, vous ne pouvez pas dormir là. Revenez demain, nous prendrons soin de lui. Un bon repos vous fera du bien, vous avez une petite mine.

Elle a raison, je ferais mieux de rentrer. Bientôt, mon inconnu se réveillera et je ne veux pas qu'il me trouve près de lui à ce moment-là. Il aura probablement retrouvé ses esprits et j'aurais bien du mal à lui expliquer ce que je fais ici. Alors que les infirmières quittent la chambre, je jette un dernier regard à celui qui m'a sauvé la vie. Après mon mensonge, je me sens trop mal à l'aise pour oser revenir le voir, mais je lui suis reconnaissante pour son geste. Son crâne est marqué à vie par une plaie encore écarlate , symbole de son geste héroïque. Je regrette seulement qu'il l'ait fait pour moi, il a secouru une personne déjà morte de l'intérieur. Ses cheveux en bataille recouvrent en partie sa cicatrice et mes yeux glissent sur son cou tatoué puis suivent les dessins noirs qui serpentent sur sa peau jusqu'à sa main où une énorme rose ébène semble éclore.

Une rose...

Pourquoi tant d'éléments me ramènent à lui? A elle? L'univers semble essayer d'embriquer nos vies, nous réunir peut être.

Non, je divague, la solitude de mon cœur parle pour moi. Je me sens perdue à un point tel que je m'invente des connexions avec des étrangers, je dois reprendre mes esprits. L'univers n'est pour rien dans cette situation, j'en suis la seule responsable! Je dois me rendre à l'évidence, je suis en train de me noyer et je tente de me rattraper à n'importe quelle branche pour ne pas sombrer. Je suis pathétique!

Je me relève, étirant mon dos malmené par la position saugrenue dans laquelle je me suis endormie.

- Merci! Merci de m'avoir sauvé! chuchoté-je pour éviter de le réveiller.

Me penchant vers son visage, j'envisage une seconde de déposer mes lèvres sur sa joue avant de me raviser. Je dois cesser mes bêtises!

- Adieu! me contenté-je d'ajouter avant de partir.


Je remonte le couloir jusqu'à la sortie et pousse la porte pour me retrouver à l'extérieur. Là, les premiers rayons de soleil viennent caresser ma peau. L'aube pointe à l'horizon recouvrant la ville de ses reflets ocres. Le spectacle est sublime et j'ai l'impression de voir la lumière du jour pour la première fois.

M'attardant devant cette vision, je m'assois sur un banc et attrape mon téléphone dans mon sac. Là, je m'aperçois que mes mains sont encore remplies de sang séché. Pourtant je les ai nettoyés, mais ce liquide de malheur est tenace. Des tâches sombres couvrent mes ongles et se perdent dans les interstices entre mes doigts. Malgré le fait que je le frotte avec ferveur, il semble incrusté dans ma peau. Je mets tant d'ardeur à le faire partir que mon épiderme s'enflamme. Au bout d'un certain temps, je décide d'abandonner, une bonne douche en viendra sûrement à bout.

J'envoie un message à Natasha pour lui demander si elle peut venir me chercher et ignore les dix appels manqués de ma mère. Si elle n'a pas de nouvelles de moi trois fois par jour, elle panique et me harcèle. Je prends toujours le parti de la rassurer, mais là, tout de suite, je n'en ai pas la force.

Sink with youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant