Chapitre 5

9 5 3
                                    

La journée suivante me paraît interminable. Il faut dire que ma rencontre nocturne m'a beaucoup ébranlée. Je suis une personne censée et prudente, enfin en temps normal, je ne sais pas ce qui me prend d'aller flirter avec le danger sans raisons. Et en même temps, sentir mon cœur battre la chamade, percevoir l'adrénaline qui parcourt mes veines, cela m'avait terriblement manqué. L'espace d'un instant j'ai oublié l'enfer de mon existence, durant quelques secondes j'ai retrouvé le prix de ma vie et c'était grisant.

Les heures ont défilé si lentement que j'ai vérifié plusieurs fois si les piles de l'horloge fonctionnaient bien. Et puis il faut l'avouer, mon emploi de vendeuse en prêt à porter ne me passionne pas vraiment. Quand Rose est tombée malade j'ai du quitter mon job car mon employeur ne supportait plus mes absences. J'avais pourtant fait toutes les démarches et les dossiers pour être en règle, mais cela ne lui suffisait pas . A force de remarques et de jugements, il a fini par gagner la partie et j'ai démissionné. J'aurais pu tenir le coup, le confronter, mais j'ai utilisé toutes mes forces pour épauler mon enfant. Le choix a été vite fait, perdre mon énergie à tenir tête à une personne intolérante ou tenter de conserver un sourire sur les joues de mon bébé. On ne peut pas gagner tous les combats, alors il faut savoir choisir ses batailles. Quand Rose nous a quitté il a fallu que je trouve un nouveau gagne pain et me voilà vendeuse alors que, il faut le dire, je suis bien trop timide pour posséder la fibre commerciale. Je dois me faire violence chaque jour pour aborder les clientes, leur sourire et insister pour qu'elles prennent le haut assorti au pantalon qu'elles viennent d'essayer. Quand j'observe mes collègues, je suis abasourdie par leur attitude si sûre d'elles et si naturelle.

Quand je sors enfin, l'atmosphère lourde qui règne dans la rue me plombe sur place. L'air est chargé de chaleur et d'humidité et les nuages noirs qui se déplacent à vive allure dans le ciel menacent de laisser éclater un orage violent. Je regrette la climatisation de la boutique quand je rejoins ma voiture dans le parking souterrain.

Je décide d'aller dire bonjour à Natasha avant de rentrer chez moi. Je ne l'ai pas revue depuis une semaine et elle commence à me manquer. J'aurais dû l'appeler avant de passer car je me retrouve à l'attendre dans ma voiture devant son immeuble. Je fini par lui envoyer un message et elle me répond qu'elle arrive très bientôt. Cette notion de « bientôt » est apparemment subjective car nous n'avons pas du tout la même. Je pensais patienter quelques minutes, mais me voilà une heure plus tard assoupie sur la vitre de mon véhicule. Je sens la sueur serpenter le long de mon dos, l'air est devenu irrespirable et me je me décide à rentrer sans la voir.

« Désolée ma belle, je rentre, je n'ai pas envie de conduire sous la pluie »

Alors que je démarre, les premières gouttes s'écrasent sur mon pare-brise rempli de poussière. Avant c'était Alexis qui s'occupait de nettoyer ma voiture, mais depuis qu'il n'est plus là, j'avoue que je ne le fais pas autant que je le devrais. Les essuie-glaces étalent la saleté plus qu'elle ne l'enlève et je peste. Je veux rentrer vite, le ciel s'est obscurcit trop rapidement et la nuit enveloppe déjà la ville.

La pluie s'intensifie vivement et la visibilité sur la route devient mauvaise. Malgré l'éclairage public et les feux de position, je ne parviens pas à voir plus d'un mètre devant. Le temps de trajet est doublé et je manque de justesse de me prendre le trottoir. Quand enfin je gare ma voiture sur le parking de la résidence, je souffle un bon coup, soulagée d'être arrivée en un seul morceau. Le grondement sourd du tonnerre se rapproche un peu plus et je prends mes jambes à mon cou pour rejoindre le hall d'entrée en passant par la porte de service. Je pousse un cri de surprise quand je tombe nez à nez avec un de mes voisins qui, lui , m'ignore totalement. Il ne m'accorde même pas un regard, son attention entièrement dédiée à une jolie blonde qui lui fait signe à l'extérieur. La jeune femme avec ses longs cheveux trempés qui encadrent son visage fin et ses yeux de biches est simplement magnifique. Son corps parfait est mis en valeur par une tenue cintrée qui fait ressortir sa taille de guêpe. Je comprends mieux pourquoi je suis transparente aux yeux de l'homme qui me contourne pour aller lui ouvrir. Je le croise souvent, je pense qu'il habite l'étage au-dessus du mien, mais je suis persuadée que, lui, ne sait même pas que je vis dans le même immeuble. Il est plutôt grand, toujours tiré à quatre épingles et une nouvelle conquête vient embellir ses journées toutes les semaines Je les observe alors qu'il l'étreint en la complimentant sur sa beauté. Le jeune femme minaude et souris de toutes ses dents en enroulant une mèche autour de son index.

Sink with youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant