CONTE-GENTIL DE BOIS-JOLIE Chapitre 2

10 3 0
                                    


Au même moment, à des lieues et des pieds de là... dans le grand palais fait d'améthyste, d'arches et d'arcades du Bon-roi-mauve, la reine Athélyre accouchait difficilement de sa douzième fille et mourait.

Inutile de vous dire le fort chagrin du souverain...

Inutile de vous dire combien il la pleura fort.

Inutile de vous dire à quel point il fut fort abattu, non, c'est ici un conte-gentil fait de bois-joli !

Le royal père se reprit vitement pourtant. Car la princesse-née était délicate. Si fragile que cette précieuse risquait à son tour de décéder... Il fallait donc fort vite trouver remède pour la sauver !

Prestement, on convoqua donc tous les médecins, les guérisseurs, les rebouteux, les plus grands académiciens, hommes de Dieu et les fées déjà marraines de ses grandes sœurs, les fées non marraines pour ce petit cœur !

Et comme à sa demande, le paternel souverain retrouva tous les convoqués le lendemain matin dans le grand salon lilas de son beau palais !

On était accouru de tous pays ! Mais de cela seulement, il se réjouit momentanément. Car aucun remède apporté, donné, récité ou même invoqué n'eut d'effet sur la royale dernière-née... Sa petite Malvina poursuivit ainsi de faiblir.

A la fin du jour, alors que tout espoir semblait perdu, une fort fort vieille chevrière se présenta.

— Je peux sauver votre enfant ! décréta-t-elle fort assurément pendant que le roi la considérait d'un œil abasourdi.

Il avait vu défiler ici tant de grands esprits, d'ancestrales fées et de nobles érudits vaincus par la maladie de sa fillette qu'il ne pouvait croire – non, il n'osait s'imaginer ! – qu'une pauvre et maigre gardienne de biquettes pourrait réussir à donner bien vite miraculeuse belle guérison !

Son ministre ne cessait d'ailleurs de le lui répéter fort à l'oreille ! Ce qui eut pour effet, dit-on, de la lui agacer pour l'existence entière et de lui en faire – à partir de ce moment fatidique ! – garder une manière, une sorte de tic ! De cette façon, le Bon-roi-mauve ne cessa plus de se tacler, de se gratter, de se toquer le pavillon, tout à fait à la manière... des vieux griffons ! Mais gueules cousues, de tout le monde ce sera le petit secret...

— Je peux la sauver ! redisait la bonne femme âgée. Foi de bélier ! J'ai là une potion pastorale, infaillible pour soigner tout mal ! Mais je guérirai votre princesse à deux conditions... La première, vous devrez me prendre pendant deux ans pour sa nourrice !

Le souverain se toqua, se gratta, se tacla l'oreille ! Parce qu'il lui aurait été fort mal éduqué de demander à la fort fort fort ancienne dame... si elle avait encore du lait... Mais, à ce qu'il paraît, cette chevrière était aussi un peu devineresse de pensées...

— N'ayez crainte, rajouta-t-elle, j'allaite mon enfant cadet à peine âgé d'un mois ! J'en aurai donc bien assez pour deux ! Et deux années de plus !... Quant à la deuxième condition, elle est aussi très simple. Je souhaite que deux de vos douze précieuses non encore mariées épousent mes fils quand la princesse Malvina – que j'aurai sauvée – aura atteint ses dix-huit années !

À ces dernières paroles, le roi se gratta, se tacla, se toqua à nouveau le pavillon ! Car il n'était guère enchanté, non ! Mais fort – fort, fort ! – embêté ! Fort agacé ! Il venait de se souvenir que cette pauvre gardienne de biquettes était en fait une antique vieille fée fort oubliée qu'il avait déjà fort croisée ! Cependant, il était bien incapable de se remémorer son nom, car elle s'était énervée si fortement et si souvent après lui qu'à chacune de leurs rencontres elle lui avait jeté des sorts d'oubli !

CONTES DE FEES L'anthologie d'ATHENA CALLEAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant