CONTE-GENTIL DE BOIS-JOLIE Chapitre 5

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— Mais l'aventure ne s'arrête pas là ! enchaîna tristement la bonne dame. Notre pauvre Roi-lapin n'a point pu résister à la première carotte présentée... Agitée par un courtisan retors, marmonne-t-on... Un fat, un coquin, un traître à la couronne – payé une montagne d'or par On-ne-sait-qui !

—Mais n'allez pas répéter là mes paroles ! s'effraya la villageoise. C'est ainsi que notre bon-souverain a fui la salle du trône où il était gardé par son fidèle premier ministre en attendant de trouver solution à cette embêtante apparence de petite bête à dents longues et gourmandes ! À peine dépassées les portes de gemme du palais, qu'il s'est enfoncé dans un talus, on l'a perdu !

— Mais le fidèle ministre... s'enquit Bois-Jolie.

— Oh, il a bien tenté de le rattraper ! répondit la brave femme, Et a même failli y réussir – ça a toujours été un fameux coureur de jupons ! – pourtant, cette fois-ci, ses jambes ne lui ont curieusement point bien servi ! Il l'a fait exprès, d'après les mauvaises langues ! Mais moi je dis, pas évident de rattraper un lapin royal !

—C'est à ce moment-là qu'est arrivée l'ambassade du roi voisin ! Animé par une bien fâcheuse idée, vraiment ! Le prince de cet autre royaume prospère avait eu le désir de s'unir à l'une des charmantes filles de notre Bon-roi-mauve – bien belles, faut quand même l'avouer ! – et ce dernier avait ainsi promis Madame huitième !

—Voilà donc l'ambassade qui se présente afin de demander audience pour son maître ! Vous pensez comme le Ministre-mauve a été bien embarrassé ! Il ne cessait de se gratter le pavillon, dit-on ! Comment donner réponse sans froisser, sans ridiculiser et sans risquer le conflit ? Que décider ! Et surtout... comment tourner la chose afin qu'on n'apprenne point que ladite demoiselle était devenue une moutonne et son puissant père, un lapin égaré dans quelque talus, laissant ainsi le pays à la merci des rapaces... et des loups !

—Cependant, comme il avait toujours été bon ministre, c'est l'oreille roussie qu'il a donné réponse aux hommes mandatés afin de proposer retardement aux épousailles !

—C'est ainsi que ce que l'on craignait est arrivé ; le prince et son roi de père – à peine avisés de ce report – ont cru qu'on les méprisait et se jouait d'eux ! Ils sont montés sur leurs grands chevaux et ont déclaré la guerre dans la foulée ! Certains chuchotent qu'ils avaient appris des murs, qui ont bien souvent des oreilles, la nouvelle du malheur royal bien avant cette requête fatale et auraient profité de la détresse dans laquelle était déjà notre bon pays pour trouver litige à attaquer les premiers !

—Hélas, il n'est pas faux de dire que les murs ont des oreilles, les marches des palais des yeux et les courtisans des langues de vipères ! C'est ainsi que tous nos autres voisins ont appris ce qu'il s'était passé, s'en sont réjouis et ont suivi dans le conflit !

—Et voilà pourquoi nous sommes en guerre depuis deux ans, finit la brave femme. Chacune de nos frontières attaquée et rognée par nos anciens alliés ! Il faut dire que le palais d'améthyste est une richesse à lui seul et qu'il a toujours suscité les convoitises, chanceux sera celui qui le gagnera !

— Quels malheurs ! s'attrista la douce Bois-Jolie. Mais personne n'a eu l'idée de supplier la fée de réparer ?

— Dame, bien sûr ! Juste après la première déclaration de guerre ! Notre brave ministre s'est empressé de publier à son de trompe qu'il récompenserait celui qui parviendrait à la retrouver...

— Et elle le fut ? s'enquit la jeune bergère, le regard brillant d'espoir.

— Oui, au fond d'une étable, au cœur même de notre royaume ! répondit tristement la paysanne, Mais point affable, pas aimable et encore im-pi-toyable ! In-trai-table ! Plantée sur ses pattes de Fée-chèvre, au centre de sept prairies situées au milieu de sept collines en pis, elles-mêmes encastrées entre sept montagnes vert-de-nerprun!

CONTES DE FEES L'anthologie d'ATHENA CALLEAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant