— Pas du tout ! se récria Bois-Jolie, affolée. Elle était bien embêtée et ne cessait de se tordre les mains ! Comment donner réponse sans envenimer la situation ? Chevrière était si susceptible de plus – c'était de renommée ! – et déjà toute colère ! Cela se voyait à ses cornettes penchées en avant. Cependant, comme elle avait toujours été franche jeunesse et intrépide pâtresse, c'est les joues cramoisies que la bergère déguisée tenta de donner justifications à cette vieillesse...
— Ooooooh ! trépigna instantanément la fée. Voilà un jeune menteur qui s'imagine en sortir vainqueur ? Mais on ne dupe point Dame-chevrière, ou elle vous fait passer par le fer ! Qu'est-ce donc que ce bouquet de foin encore dans ta main ? Il est noué de plus d'un ruban smaragdin...
— Euh... C'est que je l'aurai trouvé dans les prés... rétorqua en frémissant la jeunesse honteuse.
— Nenni ! Je le reconnais ! C'est celui de mon bel aîné qui te l'a donné ! Et je ne suis pas étonnée qu'il t'ait portée à me coquiner, jeune fille ! conclut la cabre avec la couleur de la fureur dans les pupilles.
Car malgré les habits du fils de la villageoise qui costumaient toujours Bois-Jolie, les naseaux de la vieille chèvre la humaient parfaitement femelle désormais... À cause du petit bouquet offert et surtout des fleurs du pâturage sur lesquelles Bois-Jolie avait dû s'étendre tout à l'heure...
— Hélas mère, épargnez-la ! intervint le jeune homme, qui demeuré caché non loin du drame n'en avait point perdu un brin.
Chevrière – qui n'avait pas du tout changé en toutes ces années – le considéra s'avancer :
— Ooooh, tu ne vas point m'en faire tout un fromage, Caprécieux ?
— Si mère, je suis amoureux !
— OOOOH ! se trémoussa de nouveau la cabre-fée, folle de colère. Elle a juré de ne point user d'aide, de vice et de malice pour rompre le maléfice ! Et aide et vice, il y a ! Je dois donc punir ! Même si tu dois en souffrir !
— Et moi je me dois de vous l'interdire ! s'interposa prestement son fils qui tremblait de toute sa force pour la vaillante Bois-Jolie.
— Ooooh mon garçon, tu me rends CHÈVRE ! fulmina la vieille qui n'avait point seulement gagné du grison avec le temps mais perdu beaucoup de raison également.
— Crois-tu que parce que tu es mon aîné-né, je ne te jetterai pas de maléfice ? Crois-tu que toi qui as su m'énerver et me trahir à l'extrême, au sort de ton aimée je ne saurai te réduire de même ?
— Ce que tu parais oublier, c'est que toi également tu m'avais fait promesse dans ta plus tendre jeunesse ! Et pour cette beauté, tu t'es bafoué !
— De même ? s'enquirent en chœur Bois-Jolie et le beau pâtre qui n'avaient entendu que ce mot-ci.
Mais la chevrière – toute mère qu'elle était pourtant ! – ne les entendait plus déjà, elle !
— Tu m'as tarabustée et joué un mauvais tour, foi d'encornée ! a commencé de chevroter en cadence la fée outrée à l'encontre de la jeune bergère déguisée, courtisée et aidée. Je te fais donc encornée à ton tour ! Et toi mon aîné, tu m'as également humiliée, foi de houlette ! Qu'il te pousse donc petites cornettes, sabots et bouc !
Et dans le seul temps d'un cri d'effroi, Bois-Jolie-Gentil et Caprécieux se métamorphosèrent en ce qu'ils craignaient tous deux !
Smaragdin : Mot Précieux pour désigner le vert émeraude.
Grison : Vieux mot datant du 15e siècle et désignant la barbe, les cheveux ou les poils tirant vers le gris, qui grisonnent quoi !
Tarabuster : Ancien mot datant du 14e siècle et définissant une agitation guerrière. Ici, il signifie contrarier, tracasser, tourmenter, harceler, importuner.
Outrée : Choquée, indignée.
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CONTES DE FEES L'anthologie d'ATHENA CALLEA
Fantasy© Tous droits réservés. Je vous propose là un recueil de mes contes de fées. (pas tous) Il y en a (aura) pour tous les goûts. Comme vous pouvez (pourrez) le voir, il y a (aura) des contes qui sont (seront) écrits de manière littéraire. Avec des mots...