CONTE-GENTIL DE BOIS-JOLIE Chapitre 7

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Avec les plumes qui recouvraient son déguisement d'homme et son tout nouvel appétit d'oiseau, Bois-Jolie-Gentil atterrit en effet dans les prairies menthées de la redoutée et redoutable chèvre juste avant la tombée du soleil. Instantanément, elle y fut accueillie par le fils aîné. L'insolent premier né dont la beauté n'était pas qu'une merveille !

— Tu es bien petit, l'ami ! salua-t-il avec un air futile.

— Oooh, la jeune fille se sentit agressée dans sa dignité de paysan qu'elle n'était point !

— C'est que dans ma jeunesse, je n'ai pas assez soupé ! rétorqua-t-elle d'un air mauvais, insinuant par là une vie à la dure. Mais mon poing est sûr ! Mène-moi donc à Chevrière !

— Et t'es bien maigre ! lui assena le garçon de la fée avec un ton aigre.

— Oooh !

— C'est pour que dans les batailles... répondit la bergère tout à fait colère, je gagne, je taille, je glisse comme une anguille ! Mène-moi donc à la cabre !

— Tes habits rapiécés te donnent un air de gerbille !

— Tu sais ce qu'on fait dans les hautes pâtures aux fats ? menaça carrément Bois-Jolie déguisée, les dents serrées.

— Parce qu'on porte du plumage dans les pâturages ? renchérit le beau pâtre en désignant le vêtement en rémiges encore enfilé aux épaules de la belle jeunesse.

Saisissant aussitôt son erreur, la bergère grimée en villageois se radoucit – tout en prenant soin de grossir sa frêle voix : — C'est que Dame-nature est fort généreuse ! Ceci est le manteau de vol qu'elle m'a prêté !

— Tu connais donc la fée de la nature ? s'étonna le jeune homme avec une moue épatée. Toi ?

— Et toi donc, tout pâtre que tu es, tu as bien conté fleurette à des précieuses !

— Mais je suis fils d'ensorceleuse ! cloua l'insolent.

Auxquelles paroles la jeune fille ne sut plus que répliquer.

— Et... quel est donc ton nom, ami de la dame Nature ? insista le bel aîné de la chèvre redoutée.

— Bois-Gentil... mentit Bois-Jolie en jouant les gros bras, Une qualité qu'on a tenté de m'attribuer par le prénom... Parce qu'elle me faisait déjà défaut dans mon berceau !

Satisfait de cette réponse hardie, le fils de Chevrière la conduisit auprès de sa mère en sabots.

— Je suis venue délivrer le Bon-roi-mauve et ses précieuses filles ! se présenta la bergère remontée, Et bien entendu libérer également tous les braves venus avant moi !

— Hu... hu... hu... hu... hum ! bêla de mauvaise grâce la Fée-cabre, en considérant ce jeunot avec méfiance parce que ses naseaux d'animal reniflaient trop de fraîcheur chez ce frêle villageois que semblait être la jeune fille... Tu sens le froid !

— C'est que... de la neige j'aurais gardé le parfum ?... expliqua en tremblant Bois-Gentil-Jolie tout en resserrant contre elle ses habits de garçon.

— Hum... désapprouva la vieille chèvre grise. Encore un jeune innocent qui s'imagine déjà en sortir conquérant ! Mais j'ai donné ma parole de chevrière, aussi à mon défi tu vas te complaire ! Et me donner ta parole dans la foulée de respecter exactement les règles que je vais t'énoncer ! Promets !

— Je promets ! acquiesça la bergère.

— Seul, tu chercheras donc dès demain matin les six princesses parmi mes mille cinq cent cinquante-sept têtes de bêtes qui paissent... Tu as six jours pour ce faire ! Sans vice, sans tricherie et sans aide ! Pour l'heure, le soir est déjà là... Tu vas pouvoir dormir dans mon étable, à l'abri, tu le feras à chaque tombée de nuit.

CONTES DE FEES L'anthologie d'ATHENA CALLEAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant