CONTE-GENTIL DE BOIS-JOLIE Chapitre 4

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— Qu'il est triste d'être encore seule, même ici ! gémit pensivement la jeunesse qui se plaignait là pour la première fois de sa courte existence.

Cependant, il semble que la forte nature des hauts-alpages avait rendu l'endurante fille aussi entêtée que les torrents des vallons, ainsi, sa face désolée à peine redressée, reprit-elle ses recherches, bien décidée à trouver âme qui vive dans cet endroit.

— Il faudra bien que tôt ou tard je déniche quelqu'un ! se persuada-t-elle.

Pourquoi sinon la Dame-de-la-nature l'y aurait-elle envoyée ?

Au bout de quelque temps, alors qu'elle se rapprochait maussadement de la sortie du village, elle aperçut de la fumée émaner du toit d'une pauvre maisonnette à la bien triste allure encadrée comme elle l'était par les gris logis de deux sombres ruelles attenantes ! Toutefois, la joie de l'isolée bergère fut telle qu'elle s'y précipita ! Et une bonne femme vint lui ouvrir.

— Bonjour, brave femme ! salua aussitôt Bois-Jolie, trop heureuse de trouver enfin âme avec qui parler après tant d'ans.

— Si vous êtes en quête de quelqu'un en ces lieux... s'exclama la villageoise, surprise, je vous déclare que vous ferez chou blanc, jeune fille ! Tout le monde sauf moi est parti !

— J'arrive des hauts-pâturages, lui expliqua la bergère.

L'inconnue hocha la tête, songeuse.

— Qu'est-il survenu ici ? s'enquit Bois-Jolie.

Car elle avait souvenance d'être descendue au moins une ou deux fois au hameau étant petite enfant ; et les rues étaient alors toujours animées !

— Pourquoi n'y a-t-il plus personne ?

— Je suis la seule à être restée, dit la brave femme, et je resterai ! J'ai promis à mon fils d'attendre ici son retour. Il combat à la frontière... Je lui ai dit que je serai là quand il reviendra... Sur le pas de la porte de cette maison qu'il a tant aimée et à laquelle on l'a arraché ! Les guerres sont des ogres !

— Mais pourquoi le conflit est-il venu en ce doux pays ? questionna d'une toute petite voix Bois-Jolie.

— Dame ! À cause de notre Bon-roi-mauve ! rétorqua la mère amère. Et de ses filles capricieuses !

La bonne femme solitaire expliqua alors à la jeune fille ce qu'il s'était passé il y avait vingt ans ; la naissance difficile de l'ultime enfante du roi, la mort subite de l'intelligente Reine Athélyre, le chagrin du souverain, la peur de perdre sa dernière-née si fragile, la convocation des médecins et savants incapables de la sauver... la survenue providentielle d'une maigre chevrière, l'accord passé pour que deux des royales filles marient plus tard ses deux pauvres fils quand l'ultime d'entre elles aurait atteint ses dix-huit printemps. Puis, cet âge avancé qu'avait somme toute fini par atteindre la benjamine –joliment prénommée Malvina– il y avait deux ans de ça.

— Une ingrate celle-là ! Qui a eu vite fait d'oublier que c'est elle que la Fée-chèvre a guéri ! Elle aurait mieux fait de tourner sept fois sa langue de vipère dans sa bouche rouge avant de causer tous nos malheurs !

—Comme convenu, poursuivit de raconter la villageoise, la chevrière est alors revenue au palais d'améthyste afin de trouver bonnes épouses à ses garçons – il ne restait plus que la moitié des douze princesses à unir ceci dit !

—L'aîné s'est avancé, dit-on, dans ses habits de pâtre élimés au-devant de ces beautés aux cheveux mauves, lilas, violets, aux robes de brocart semées de gemmes brillant de mille feux... Il avait jolie figure, m'a-t-on raconté, et agréable prestance malgré ses méchants vêtements. Mais croyez-vous que cela les ait convaincues ! Nenni ! Et c'est la princesse Malvina qui a lancé les festivités !

CONTES DE FEES L'anthologie d'ATHENA CALLEAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant