Papercut-Machine Gun Kelly
Nous étions vendredi et les cours étaient enfin terminés. J’étais littéralement épuisée, et la faute sur les professeurs qui ne nous ménageaient pas une seule seconde, chaque période en leurs compagnies représentait une compétition de taille pour le mont Everest, qui voyait la pile de devoirs que nous avions à faire comme une menace pour son titre de plus grosse montagne du monde.
Toutefois, je préférais rester sur mon petit nuage.
Oublier les devoirs, c'était la recette du bonheur.
J'ouvris le cadenas de ma case, balançait mon sac sur mon épaule et claquait la porte métallique avec rage. Je sortis du bâtiment scolaire pour fumer en attendant Tomas, sauf que ma tranquillité fut vite bousculée par Ela, qui arrivait à mes côtés, en me piquant, au passage, mon paquet de clope une nouvelle fois en disant :
-Tu ne comptais pas fumer sans moi, j'espère ?
Je répondis en moins de deux :
-Totalement…
Elle gloussa et me redonna mon précieux en chatonnant le refrain de : I wanna be yours de Artic Monkeys.
~
Au bout du compte, moi et Tomas arrivait dans l'aller de notre demeure à bord de notre voiture grise. Nous avions discuté tout au long du trajet, en écoutant de la musique comme toujours. Dès que j’éteignis le moteur du véhicule, mon meilleur ami bondit hors de l'habitacle en soupirant d'aise et en ne terminant pas la phrase qu'il avait entamée. C'est une de ses mauvaises habitudes : ne jamais terminer ses phrases. Pour ma part, je pris tout mon temps pour descendre et soupirer l'air frais de l'extérieur.
Je balayai vaguement le stationnement des yeux avec le pressentiment qu'une chose n'allait pas. Je me sortis une cigarette, que j'allumai sous les yeux réprobateurs de Tomas qui détestait me voir fumer ses merdes. Lorsque je repérais l’imposteur, le truc qui me gênait tant : une Jeep noire.
Mon cerveau n'avait pas besoin de relire son disque dur pour comprendre ce qui allait se produire dans les prochains jours.
Et, cette constatation me donnait la pire nausée de ma vie.
-Tu sais, c'est à qui la jeep ? demanda Tom en pointant du doigt la grosse voiture.
J'expirais la boucane de ma clope dans une lenteur impressionnante, Tom se rapprochait de moi et prit ladite cigarette entre ses doigts et grimaça. Son regard noisette était planté dans le mien. Je savais ce qu'il voulait, je savais ce qu'il pensait. J’humidifiai mes lèvres, puis, à contrecœur, j'acquiesçai et traçai ma route vers l'entrée de la maison. Laissant Tomas se débrouiller avec ma cigarette. Redoutant ce qui allait suivre du plus profond de mon âme.
~
Ma tante possédait une grande maison style chalet de montagne. Le haut plafond de la salle à manger était la chose la plus spéciale dans cette demeure. La pièce était encerclée de baies vitrées et un grand lustre sublimait la décoration rustique qui s'y trouvait. Dès que je posais le pied sur le parquet de la salle à manger, un grand homme, musclé, métisse, cheveux noirs très courts, venait nous serrer la main. Formellement.
Derrière cet homme qui n'était nul autre que mon oncle, il y avait ma tante Souriante et propre sur elle-même. Vêtue d'une robe à carreaux blanc et bleu. Elle restait à l'écart, timide, préférant, probablement, laisser de l'espace à son mari pour qu'il ait tout le plaisir des retrouvailles.
-Comment tu vas, mon grand ? s'exclamait Maxime, heureux et enthousiaste de me revoir.
Cependant, je restais impassible. J'avais les mains dans les poches de ma veste en jean et par-dessous tout, je n'allais pas lui laisser le plaisir d'avoir une fausse relation père et fils avec moi.
-Bien, répondis-je froidement.
Le ton de ma voix, mon expression faciale, tout de moi semblais décontenancer ma tante. En même temps, cela pouvait se comprendre.
Maxime n'avait jamais été méchant ou violent avec moi.
~
Nous étions tous rassemblés autour d'un bon repas, malheureusement la compagnie n'était pas aussi bonne que la nourriture présente dans nos assiettes.
-Alors les cours ? demanda Maxime.
Quand je disais que la compagnie n'était pas bonne...
Je pris sur moi-même pour ne pas lui jeter mon assiette en pleine face. J’avalais un bout de mon savoureux steak que j'avais envie d'utiliser pour arme, prenant soin de bien le mastiquer : lentement.
-Ça se passe bien, j'aime beaucoup le cégep. Les cours sont vraiment plus intéressants qu'au secondaire ! s'exclamait mon meilleur ami en voyant que je n'avais pas la moindre intention de parler.
-J'imagine, ria mon oncle, et toi Gaèl, ça se passe comme tu le souhaitais ?
Je ne relevais pas la fin de sa phrase.
Et bien sûr, Tomas n'acceptait pas mon silence ; pour m'inciter à prononcer deux mots, il décida de frotter ma jambe avec son pied. Sauf que son pied arriva sur ma cuisse, beaucoup trop proche de ma bite. À son effleurement, je sentis une vague de chaleur. Je savais pertinemment que je rougissais.
-Ouais, c-c'est... normal... le cégep... bafouillais-je en priant pour qu'il dégage sa patte de là, mais cette enflure continua de me titiller.
Putain, mais qu'est-ce qu'il fout ?!
-C'est bien, en plus, Sandra m'a dit que vous aviez monté un petit groupe dans le garage d'un de vos amis ? ajouta Maxime.
Tomas s'approchait dangereusement de mon entrejambe. Tout un tas de questions volait dans mon esprit.
-Gaèl ?
-O-Oui, disais-je en retenant un gémissement, quand le bout de son orteil toucha pile à l'endroit de mon pénis.
Tomas retira son pied après ce dernier mouvement.
-Comment ça se passe avec votre groupe de musique ? répéta mon oncle.
Je ne parvenais plus à parler.
Les six paires d'yeux autour de cette table étaient fixées sur moi. Je commençai à croire que même le chien me regardait en attente d'une réponse qui ne viendra sûrement jamais. Maxime avait encore son putain de sourire sadique collé aux lèvres, j'avais l'impression qu'un tueur me retenait en otage et me disait à l'oreille de ne pas parler sinon j'allais crever.
Finalement, je n'en pouvais plus, je bouillonnais de l'intérieur. La bombe en moi n'avait aucun minuteur. Je poussai violemment ma chaise vers l'arrière. Elle tomba inévitablement dans un bruit tout aussi explosif. Une fois sous l'arche séparant le portique de la salle à manger, je me tournai et fis le plus beau doigt d'honneur à Maxime avant de monter les escaliers à l'arrache, m'enfermant dans ma chambre.
Je détestais ce type...
Je détestais ma tante…
Je détestais la terre entière d'avoir mis Maxime dans ma vie.
Ce n'était qu'un démon prenant la forme d'un gentil petit humain pour toutes les berner…
~
Deux heures, j'avais passé deux longues heures, plongée dans l'obscurité que j'avais créée en fermant mes rideaux et en me camouflant sous mes draps. J'avais pensé et repensé à toute mon existence et faire ça pouvait paraître reposant, mais moi, ça m'avait épuisé. Mes cernes s'étaient atrocement creusés, et mes paupières fermaient seules. Je compilais mes trucs de toilettes dans mes bras et me dirigeais d'un pas lent dans la salle de bains. Arrivé à destination, je verrouillais la porte, me déshabillais puis j'entrais dans la douche. J'ouvris le robinet et tranquillement, le jet d'eau brûlant mouilla mes cheveux, mon visage et mon corps.
Les minutes défilèrent. Sans que j’aie à m'en préoccuper. Mon imagination était aussi libre que le vent. Les images se superposaient et repartaient. Je n'arrivais pas à penser à autre chose qu'à Tom. Et, tout commençait à se fondre et à se confondre dans ma tête.
Une vraie tornade inarrêtable.
Des tas de scénarios improbables, pervers, se nouaient dans mon esprit et dans mon corps.
Tomas, nu dans son lit avec moi. Mon torse couvert de suçons, la bouche du blond sur mon membre.
Incapable de me retenir face à ses pensées obscènes, ma main se glissa sur mes abdos et atterrissait délicatement sur mon sexe que je branlais de plus en plus vite, mes idées étaient rivées sur mon fantasme. Je retenais le plus possible mes gémissements sauf qu'enfin, tout s'envola et j’éjaculais contre la paroi de la douche.
Je repris peu à peu mon souffle, mes esprits, mes peurs. Je nettoyais la douche, passai de l'eau sur mon visage pour reprendre mon calme jusqu'à ce qu'une vérité me frappât.
Tom était mon meilleur ami.
Et, j'étais le sien.
~
Mes parties intimes étaient uniquement cachées par une serviette nouée autour de ma taille. Je fis mon entrée dans ma propre chambre et constatai l'état bordélique dans lequel elle se trouvait. Les murs étaient complètement blancs, la décoration était banale, même que je pouvais dire qu’elle était quasi inexistante.
J'avais accroché sur les parois divers posters de séries, d'acteurs et de groupes de musique que j'affectionnais. Mon bureau était enseveli sous mes nombreux livres de cours. Mon étagère, posée en haut de mon lit double, était aussi pleine à craquer de romans.
Je balayais la pièce du regard et une boule se noua dans mon ventre, je ne pouvais plus être seul. J’avais l'intention d'aller dormir dans la chambre du boucler. Je verrouillai la serrure de la porte, espérant m'habiller sans craindre quoi que ce soit et laissai la serviette tomber à mes pieds. J'enfilais un caleçon propre et un jogging, par contre, il me fallut plusieurs autres minutes pour enfin trouver un pull dans tout ce bazar, puisque Tomas était en possession d'une grande partie de mes vêtements.
Finalement, j’en trouvais un, délaissée au sol. Je le mis sans savoir s'il était lavé. Étrangement, dès que le bout de tissu avait quitté le plancher, mon regard s'était laissé attirer par une photographie, prise avant l'accident.
Sur celle-ci, il y avait un couple, heureux. Un homme dans la trentaine était accompagné d'une femme aux longs et magnifiques cheveux blonds. Purée…
Du bout de mes doigts, je venais caresser le visage souriant de la jeune femme. À chaque caresse, à chaque seconde, c'était comme si un couteau se plantait profondément dans mon cœur meurtri.
Rapidement, violemment, une bouffée de souvenirs me frappa. Impuissant, je craquais à l’instant, incapable d'accepter l'absence de mes parents. Une frustration me rongeait encore chaque nuit, depuis ce jour, sauf que là, c'était mille fois pire. L'arrivée de Maxime m'avait déjà assez bousculé, mais cette photographie, c'était la goutte de trop. Sous le coup de cette intense colère, je déchirai brutalement ce faible souvenir en deux.
Une bouffée d'air frais s'ensuivit, j'observais les deux parties de la photo se balancer dans le vide et enfin, il atterrissait au sol. Sans un mot, sans un bruit.
~
Comme je l'avais prévu, je me dirigeais dans la chambre de Tom, sauf que rendu à mi-chemin, ma curiosité fut radicalement attirée par une voix en provenance de la salle de bains. La porte était entrouverte, visiblement par mégarde, honnêtement, cette erreur me ravissait. J'allais encore le prendre en plein méfait.
-Ouais, non chérie, ne t'inquiète pas, je repars dans quelques jours. Simplement le temps que Sandra se fasse des idées… Gaèl, on s'en moque, il ne va rien faire ce gamin… Je l'ai assez traumatisé pour qu'il ait peur de moi pour les trente prochaines années !
Incapable d'en entendre plus, je me ruais dans la minuscule chambre de Tomas. Celle-ci était illuminée par une petite veilleuse à l'effigie de Miraculous Ladybug. Tomas avait une horrible phobie du noir... Le faible filet de lumière me permettait d'apercevoir mon meilleur ami coucher dans son lit.
Seulement ses boucles étaient visibles sous la couverture Teletubbies qu’il adorait tant.
Pourquoi les teletubbies ? I don't know.
-Tu fous quoi, tête de teub ? grogna-t-il en ne bougeant pas d'un centimètre.
Debout, dans l'embrasure de la porte, je passais une main nerveuse dans mes cheveux encore humides. J'étais terrorisé par les mots de Maxime, épuisé par mes souvenirs et à bout mentalement. Je soupirais toutes mes angoisses, prenant mon courage à deux mains. Je fermais la porte, la verrouillais, avançais tranquillement dans la pièce. Je retirai mon pull et grimpais sur le lit avant de me faufiler en dessous de la couverture, ne bougeant plus pendant un instant jusqu'à être certain que tout allait bien. Je me positionnais par la suite sur le flanc gauche.
Tom ne me repoussait pas, au contraire, il semblait apprécier mon geste puisqu'il s'approchait de mon torse et colla sa joue contre mes pectoraux dénudés. Ces lèvres frôlèrent involontairement ma peau et je pouvais même distinguer un mince sourire sur son joli visage.
-Alors pourquoi tu es là, Gaèl ? finissait-il par murmurer.
-Sandra et Maxime baise trop fort, mentais-je.
Il rit légèrement puis reprit vite son contrôle. Une impression me confia qu'il était préoccupé par quelque chose...
-Pourquoi tu n'aimes pas Maxime ?
-Je n’ai pas confiance en lui…
Un silence confortable suivit mes propos. Tomas était plongé dans ses souvenirs tandis que j'étais concentré sur le bout de ses doigts qui caressait tendrement ma hanche.
-Pourquoi j'ai le sentiment que tout le monde ne cesse de me mentir, Juju ? bafouilla-t-il.
-Parce que la vie n'est qu'un putain de mensonge, Sunshine...
Ma réponse n'avait pas tardé à venir. Le blond déglutit, releva sa tête vers moi, m'offrant le plus beau spectacle sur cette terre. Ces yeux reflètent différentes émotions contradictoires qui m'enfonçaient dans l'obscurité encore plus, mais qui me sauvaient encore plus.
Colère, tristesse, inquiétude...
Tout dansait et se lisait en parfaite harmonie.
-Pourquoi tu es si radical Gaèl ?
Dans la noirceur de la nuit, je soufflai, une pointe de tristesse dans la voix :
-Parce qu'il y a peu de temps, j'ai compris qu'on contribue à agrandir ce monde de mensonge et de tromperies Tomas...
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Sunshine-Histoire gay
RomanceGaèl et Tom. Une amitié qui mélangeait amour, inquiétude et haine. Amis depuis l'enfance, ils avaient tous vu les difficultés de la jeunesse ensemble. Des fêtes, des coups d'un soir. Leur vie entière se basait sur l'autre depuis qu'ils avaient dix...