22 I Le visage de la haine

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Après leur arrivée à la forêt d'arbres géants, les soldats avaient dû supporter les railleries et les paroles déplacées de Sieg pendant plusieurs jours. Si cela les affectait au départ, tous avaient rapidement appris à en faire abstraction.


Le soleil n'allait pas tarder à se coucher et Akira avait hâte de pouvoir souffler. Rester dans cet endroit maudit à ne rien faire d'autre que de garder un oeil sur cet abruti avait le don de la foutre en rogne. Elle aimait l'action, elle n'était pas faite pour se tourner les pouces à longueur de journées. Sinon, elle aurait choisi de s'enrôler dans les Brigades Spéciales.


Épuisée mentalement plus que physiquement, elle prit les deux bols de ragoût que lui tendit un soldat et se dirigea vers un feu de camp, autour duquel se tenaient à la fois l'homme qu'elle aimait et celui qu'elle méprisait. Elle déposa un des bols sur les genoux de Livaï, puis elle claqua le second sans la moindre délicatesse sur le tronc sur lequel s'était assis Sieg, et ce sans lui adresser le moindre regard. Un frisson désagréable la parcourut tandis qu'elle lui tournait le dos pour aller s'asseoir à côté de Livaï. Sentir son regard répugnant sur elle la mettait toujours aussi mal à l'aise qu'au premier jour.


"Tu ne manges pas ?", l'interrogea Livaï d'un ton qui se voulait neutre malgré l'inquiétude sous-jacente qui en ressortait.


"Peut-être plus tard", répondit-elle en rivant ses perles azur sur leur ennemi. "Dans l'état actuel des choses, la vue me donne plutôt envie de gerber".


"Que de vilains mots dans une si jolie bouche", rit Sieg en portant sa cuillère à ses lèvres pour en avaler bruyamment le contenu. "Dommage, nous aurions pu être de puissants alliés, toi et moi".


"Compte là-dessus", siffla la jeune femme, l'expression de son visage se durcissant un peu plus.


Livaï commença à manger en silence, ne pouvant que comprendre la profonde aversion qu'elle nourrissait à l'égard de l'hôte du titan bestial. Si elle ne l'avait pas encore mis à mort, c'était parce qu'ils avaient besoin de lui vivant. Mais cela rendait la cohabitation entre eux d'autant plus désagréable puisqu'elle devait ravaler son désir de vengeance, un désir que Sieg se faisait visiblement un devoir d'entretenir.


Le blond mangea goulûment son repas, la propreté n'étant apparemment pas une seconde nature chez lui, pas plus que la discrétion puisque les bruits qu'il produisait étaient les seuls qui rompaient le silence. Akira grimaça de dégoût mais ne bougea pas, son instinct lui soufflant de rester sur ses gardes. Si son esprit était encore plus pervers que celui d'Eren, il avait très certainement une idée derrière la tête.


"Dis", articula finalement l'homme, déposant sans douceur sa cuillère dans son bol, "ce regard noir, j'vais m'le farcir longtemps ?"


Akira ouvrit la bouche, prête à lui balancer une remarque bien sentie, mais elle se ravisa en réalisant qu'il ne s'adressait pas à elle. Non, il avait les yeux rivés sur son cousin...


"T'as un problème avec ma façon de te regarder ?", grinça Livaï. "Dans ce cas, baisse la tête et relis ton bouquin d'merde au lieu de la ramener. Estime-toi déjà heureux qu'Akira t'ait apporté à bouffer. Si ça avait été moi, tu l'aurais pris au coin d'la gueule ton repas. J'aime pas gâcher la nourriture, mais crois-moi, j'aurais fait une exception pour toi".

Le Prix de la Liberté (Tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant