Marie, puis LYNN.

le parc

Ce matin, comme depuis trois jours, Marilynn est dans un état qui inquiète Alice.
Elle n'a jamais vu des yeux aussi cernés sur sa meilleure amie. Pour autant, la rousse n'en a pas parlé, elle sait que sa Lynn est une fille silencieuse.

Quand Marilynn arrive pour les cours matinaux, encore une fois accompagnée de Noah, Alice essaye de réfléchir à une manière d'amener le sujet.
Cela l'a tellement fait cogiter qu'elle en est même arrivé à se demander si sa fatigue nouvelle n'a pas un rapport avec le-dit nouveau.

Après que le binôme de retardataires ait salué le groupe, la rousse pose sa main sur le bras de Marilynn pour lui proposer de manger ensemble ce midi.

°°°

Alice n'a pas vu passer sa matinée.

Elle était tellement préoccupée par le comportement de Marilynn qu'elle n'est même pas sûre de se souvenir des matières auxquelles elle a assisté sur les heures précédentes.

Quand elle arrive dans le réfectoire, elle aperçoit la brune déjà assise, à de nombreux pas de l'allée des garçons.

- ne passe pas par quatres chemins. commence Marilynn au moment où le plateau d'Alice heurte la table. dis-moi ce qui te tracasse.

- toi. ris Alice.

L'adolescente aux cheveux de jais se pince les lèvres dans un réflexe, retenant ses larmes, et fuit le regard de sa meilleure amie.

- je voulais justement ne pas t'inquiéter, désolée que tu l'ai vu. reprend Marilynn.

- arrête de t'excuser, tu as le droit d'aller mal. parle-en moi, s'il te plaît.

- j'arrive plus à dormir. la nuit, du moins. je fais des siestes en rentrant des cours, puis je passe la nuit dans mes pensées. je n'arrive même plus à peindre, et je ne te parle pas de l'écriture, je n'ai jamais eu aussi peu envie de tenir un stylo dans mes mains.

- tu as eu des nouvelles de tes parents ?

- ils sont rentrés, il y a trois jours. Marilynn lance un regard entendu à Alice, qui sourit malgré elle.

- c'est donc pour ça que tu essayes de dormir dès que tu rentres, pour les fuir ?

- oui, et non. elle souffle. j'ai fait plusieurs nuits blanches avant leur retour, car j'avais fait justement des cauchemars à ce sujet. puis en rentrant un soir je l'ai vu, elle. et je me suis enfermée dans ma chambre et la fatigue m'a rattrapée, donc mon rythme est décalé depuis et je n'ai rien fait pour le changer.

En voyant les yeux de Marilynn dans le vide, Alice ne répond pas tout de suite, attendant de savoir si la brune a encore quelque chose à dire.

- les fuir.. répète la brune face à la question d'avant. pas vraiment.. enfin, tu sais. j'ai hérité de ses yeux, alors j'ai l'impression de me voir quand je la regarde droit dedans. et elle a tout le reste qui ne m'a pas été donné, tout ce qu'ils auraient voulu que je sois, tout ce qu'est- elle s'arrête nettement et relève les yeux, pleins d'émotions contradictoires, vers Alice.

- je sais. affirme cette dernière pour ne pas que Marilynn se force à finir sa phrase. tu as effectivement hérité de tout ce qui n'a pas été donné à ta sœur. c'est justement ça dont tu dois te rappeler, que tu es complètement différente et qu'on t'aime pour ça. ton physique c'est l'enveloppe, ton cœur c'est le contenu, c'est ce qu'on a eu envie de lire.

Marilynn laisse couler silencieusement des larmes sur ses joues, et sourit, ce qui paraît presque ironique. Alice s'arrête alors, elle sait que la brune l'a entendu et comprise, et qu'elle n'y répondra pas tout de suite.