Chapitre 13 : La proie

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CARDEN

Les yeux marrons, presque noirs, de Karter Lloyd me fixent avec toute la haine et l'amertume possibles. Il serre si fort son stylo entre ses doigts que je me demande quand celui-ci va finir par exploser. Son regard est rivé sur moi et attend, en quête de réponses. Nonchalamment posé sur le fauteuil face à lui, j'attends de voir jusqu'à où je peux repousser ses limites. J'étais certain que mon père voudrait nous parler à tous, à tour de rôle, et je ne suis pas étonné qu'il m'interroge en dernier. J'ignore ce que lui a raconté Morana, mais je ne doute pas de ses capacités, ainsi je suis sûr qu'elle ne nous a pas trahis. Et à quoi bon ? Elle aussi serait dans de sales draps si mon père apprenait qu'elle est aussi responsable que moi dans le vol de ses putains de dossiers.

Derrière mon père, fidèle à son poste, Zaiden me mate, lui aussi avec une expression hostile évidente. L'homme de quarante-six ans arbore un air qui se veut menaçant dont j'ai bien trop l'habitude pour m'en formaliser – et surtout pour en avoir peur. A la place, je rigole dans ma barbe. Pas assez discrètement car cela agace encore plus Zaiden qui s'approche et tape du poing sur le bureau. Le bruit se répercute dans le bureau de Karter un instant.

— Arrête de jouer au petit con, Carden ! Nous savons que c'est toi le responsable du vol, que tu es entré dans la chambre. Alors épargne-nous du temps et dis nous pourquoi, et ce que tu as pris ?

— On ne t'a jamais dit que mettre la pression aux gens ne leur donnait encore moins envie de discuter. Tu sais, tu pourrais paraitre plus sympa, peut-être que plus de personnes voudraient se confier à toi.

Je lui dis ça avec un grand sourire arrogant que j'affectionne tout particulièrement. Zaiden ouvre la bouche, prêt à riposter, mais Karter calme le jeu en levant une main entre nous.

— Carden, dis-nous la vérité, dit mon père d'une voix plus calme.

— Quelle vérité ? Je croyais que vous saviez déjà tout.

— Si tu parle du fait qu'on sait que c'est toi qui es entré dans la chambre, alors oui, effectivement, nous savons déjà.

— Et dis-moi, sur quoi te bases-tu pour dire que c'est moi le responsable ?

— Il n'y a que toi pour faire une chose pareille ! s'impatiente Zaiden, sous le regard agacé de mon père. Vu comme tu es, ça ne m'étonnerait pas que tu planque une clef quelque part dans la demeure et que tu t'en es servie pour y aller.

— Et pourquoi aurais-je fait ça ?

Ma question marque un instant de silence dans la pièce. Les sourcils de Zaiden descendent un peu et celui-ci tourne la tête vers mon père. Ce-dernier ne prête aucune attention à son bras droit et me regarde vivement dans les yeux. Il cherche peut-être à me faire peur, à m'analyser, mais il ne verra rien du tout car je ne lui en laisse pas la possibilité. Je ferme mon visage, dénué de toutes expressions qui pourraient me trahir.

— Des dossiers ont disparus, dit alors Karter. Des dossiers importants.

— Et alors ? En quoi est-ce mes affaires ? Ce n'est pas mon problème si tu ne sais pas cacher les choses.

— Ne parle pas ainsi à ton père ! s'offusque Zaiden.

— Et toi, arrête de me parler comme à un gosse et de croire que tes paroles ont un quelconque intérêt pour moi. Tu ne me fais pas peur, Zaiden, tu n'es rien pour moi, alors ferme-la, tu veux ?

— Petit merdeux !

— Bon, ça suffit tous les deux.

En disant ça, mon père sort une arme de sous son bureau. Il la prend dans sa main et nous vise à tour de rôle. Silencieux, Zaiden n'ose plus bouger. De mon côté, je ricane. Je sais que mon père ne me tirera jamais dessus, ou en tout cas il ne me tuera jamais. Je suis son fils, son seul héritier, il a besoin de moi. Par contre, Zaiden... Zaiden est facilement remplaçable et semble penser que mon père peut lui faire sauter la cervelle. Qu'il pense ça en dit long sur la confiance qu'il place en lui-même.

Dark pain of soulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant