Kagami • PLK

25 • That's not the problem

Cameron Lawford

Je mets un certain temps à réagir à ses aveux. Ma gorge serrée me fait presque mal, et les dernières larmes que je retiens me brûlent les yeux. Le quiproquo qui a bien failli causer notre chute est de ma faute, je le sais. Et Mathieu a raison, il y a bien longtemps que j'aurais dû arrêter d'être si complaisante avec Isaiah. Je ne voulais pas qu'on en arrive là, je ne voulais pas le blesser.

Pourtant, encore une fois, son attitude me réconforte dans l'idée qu'il est celui que je veux. Il craignait que je replonge dans les bras de mon ex, je l'ai deviné depuis le premier échange que nous avons eu au téléphone après mon retour à Londres. Il ne me l'a pas avoué directement, mais tout dans les questions qu'il me posait faisait ressortir cette angoisse. Je ne saurais pas imaginé l'entièreté de ce qu'il s'est passé dans sa tête en le voyant sortir de chez mes parents, en entendant ses provocations. Je reconnais simplement la douleur qu'il a ressenti, celle qui a empreint son visage d'une expression si amère que j'ai peiné à le reconnaître. Celle que j'ai moi aussi ressenti il y a quelques temps à cause d'Isaiah. Alors je sais combien cela lui a coûté de ne pas tout déverser sur moi, de contenir ses mots et sa colère uniquement pour ne pas me rappeler ce que j'ai pu vivre avec mon ancien partenaire. Pour ne pas me replonger dans ces souvenirs désagréables. Malgré tout le mal qu'il pensait que je venais de lui infliger, Mathieu a pensé à moi. A mon bien-être. Cette seule pensée me prouve, plus que mille mots, à quel point le blond est celui que je veux.

— Regarde moi hon...

Ma voix n'est qu'un murmure, un souffle navré à peine perceptible. Pour la première fois depuis que je le connais, j'ai peur de le brusquer. Je crains qu'un geste trop vif, une parole trop forte puisse aggraver la fêlure que j'ai causé. Tout ce que je veux, c'est réparer mon erreur, panser la blessure qui ne devrait même pas exister. Mais je ne suis pas certaine qu'il soit déjà capable de me laisser le faire.

Mathieu se tourne enfin vers moi après ce qui me paraît être des heures. Ma poitrine s'allège un peu lorsque je ne descelle plus une once de colère et de mépris à mon encontre. Pour autant, ses yeux m'apparaissent plus clairs que d'habitude, et je déteste que ce soit à cause de toute la tristesse qui n'est pas si facile à faire disparaître.

Je pose une main délicate sur son bras, déjà prête à ce qu'un mouvement de recul me fasse comprendre qu'il ne veut pas de mon contact. Mais Mathieu ne bouge pas, au contraire, je sens son muscle se détendre au fur et à mesure que je continue mes petites caresses. Son corps ne me rejette plus et à cette pensée, mon cœur s'emballe tant que l'inspiration que je dois prendre ressemble étrangement à un sanglot.

— J'ai laissé Isaiah faire parce que je pensais qu'en l'ignorant, en lui montrant que sa présence ne m'importe plus, il finirait par se lasser et partir. Je pense qu'on a dû échanger deux phrases depuis mon retour, dont une où je lui demandais de ne plus jamais me toucher s'il voulait garder ses dix doigts. Tout porte à confusion, j'en suis consciente. Et je vais parler à mes parents. Si c'est ce qu'il faut pour me débarrasser de lui et qu'on soit enfin tranquille tous les deux, alors je vais le faire. Au fond de moi je repousse simplement le moment où je n'aurais plus le choix parce que je ne suis pas sûre d'avoir la force de soutenir leurs regards attristés, presque plein de pitié. Par fierté je voulais que le moins de gens possible sachent. Quoiqu'il en soit, jamais une situation pouvant te blesser à ce point n'aurait dû se produire et je suis sincèrement désolée hon. Si je pouvais effacer les deux dernières heures et faire disparaître toute l'affliction que je vois dans tes yeux en ce moment, je le ferais. J'aurais dû savoir qu'il sauterait sur la première occasion pour essayer de te faire partir, j'aurais dû l'empêcher de dire quoique ce soit et sortir plus tôt de l'appartement...