o6. Une main dans le noir

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Cette nuit-là, Katara rêve que le sol gronde. La banquise se fissure sous ses pieds en une longue plainte de monstre blessé.

Elle sent la force du courant se précipiter dans ses veines. Le vent hurle sur l'océan, emplissant l'air d'un goût de sel et de métal. Des ténèbres à l'horizon, s'élève une vague gigantesque qui engloutit sur son passage la Lune et les étoiles. Son ombre l'emprisonne.

Dans son dos, des cris de panique déchirent le village.

Elle voudrait se retourner, mais ses membres la trahissent. Ses muscles gèlent, sa volonté échoue. Ses pouvoirs la renient. Les eaux restent sourdes à son appel, défient ses ordres. Elles la dominent et se ruent vers elle dans leur indomptable furie.

Elle connait les voix qui se brisent et dont les pleurs ricochent sur les icebergs. Mais elle ne les voit pas. Leurs noms lui échappent. Sa propre voix cristallise dans sa gorge. Personne n'entend son appel.

Un tsunami de cendre s'abat sur elle alors que la glace cède sous son poids. Son rugissement noie les cris d'agonie qui l'entourent. Il s'infiltre dans sa bouche, dans ses poumons, sous sa peau. Le froid lacère son corps avec la violence de milliers de couteaux.

Elle tombe, tombe, tombe dans le noir. Elle sombre dans la déferlante contre laquelle ses pouvoirs ne peuvent rien.

La lave fondue embrase et asphyxie le ciel sous une épaisse fumée noire. Katara lutte une éternité pour rejoindre la surface et une éternité encore pour ne pas sombrer à nouveau. Elle est seule, le monde réduit à une mer de cendres et un ciel mort.

À l'horizon écarlate, surgit un navire de guerre. Ses flancs d'acier fendent les flots macabres dans un vacarme de fournaise. Son étendard indéchiffrable claque au vent comme un fouet.

Rien d'autre au monde n'a survécu.

Une silhouette se découpe sur le pont, souveraine de l'univers dévasté. Elle se penche vers Katara.

Zuko lui prend la main.

Il l'attire à lui comme si son poids n'était rien. Les reflets de son épingle royale l'aveuglent. Sa poigne lui fait mal.

— Rentre avec moi

Il ne demande pas, il ordonne. Sa voix est rauque et dure. Elle résonne dans le silence, ricoche à l'infini.

Katara se cabre et se débat. Ses cris coulent de sa bouche en filets de suie. Mais Zuko persiste. Il tire son bras, soulève son corps, l'arrache aux eaux insondables.

Elle échoue sur le pont, nue et trempée, grelottante dans l'ombre du Roi. Ses ongles s'enfoncent dans la chair de son poignet. Il la redresse de force pour plonger ses yeux embrasés dans les siens. Ses deux yeux intacts.

— Rentre avec moi, lui ordonne Ozai.


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Son cri s'étrangle dans sa gorge. Elle se relève violemment, repoussant les fourrures de son lit. Dans sa poitrine, son coeur bat à lui briser les cotes. Elle halète, peinant à trouver l'air que ses poumons en feu réclament.

Au-dessus de sa tête, le dôme de glace translucide filtre doucement les rayons de la Lune. Petit à petit, elle retrouve ses repères, calme les tremblements de ses mains. Elle inspire longuement. Un mouvement du poignet lui suffit à faire disparaitre la sueur qui perle sur son front et colle à son dos.

Un poids, dans sa poitrine, s'allège : sa maîtrise de l'eau est intacte.

Tendant le bras vers une table basse sur laquelle repose un broc, elle fait venir à elle de l'eau en un fin ruban docile. En partie pour être sûre. Savourant sa fraicheur, elle l'applique dans sa nuque et sur ses paupières.

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⏰ Dernière mise à jour : May 25, 2024 ⏰

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Ceux qui Restent [Katara & Zuko]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant