Le soleil ne se lève pas le lendemain. L'hiver polaire plonge la Tribu de l'Eau du Sud dans une nuit sans fin, sous une voute piquée de milliers d'étoiles.
Guidée par les doux faisceaux de la Lune, Katara mène sa grand-mère au delà des hauts murs. Une poignée de villageois les suivent, chargés de paniers et munis de lanternes aux différentes nuances de bleu. Le flux et le reflux des flots, au loin, berce les deux femmes. Bientôt leurs pas s'ajustent au rythme de l'océan. Elles n'échangent pas un mot. Leur attention n'appartient plus au monde des vivants.
Elles s'enfoncent sur la banquise, jusqu'aux différents sanctuaires qui encerclent la Crique du Loup. Elles les visitent un à un, déposant des offrandes et récitant des chants dont l'origine s'est perdue dans la nuit des temps. Katara les connaît tous. Ils sont gravés dans ses os, tatoués sur sa peau. Leur mélodie chante dans son sang. Et dans sa voix, elle entend l'écho de toutes les femmes nées du froid, filles de l'eau.
Le Solstice est un pont, lui avait un jour dit sa mère. Un point de bascule. La fin d'un cycle, le commencement d'un autre. Immuable et éternel. Le jour le plus court de l'année partout ailleurs, une longue nuit ici au pôle. Un jour où les êtres ne sont ni éblouis, ni aveuglés, où les heures et le temps des Hommes n'existent plus. Un jour de convergence et de communion avec les esprits.
Amarok, Sedna, La, Tui ... Yue ...
Katara lève les yeux vers la Lune. Il y a si longtemps que les esprits ne se sont plus penchés sur elle. Des jours et des nuits entières, elle a attendu un signe, cherché un écho porté par les vents. Rien ni personne n'est jamais venu pour elle.
Alors elle prie pour les autres. Pour tous les autres. Sa tribu du Sud et ses frères du Nord. Sa famille, sa mère. Elle prie pour ses amis, pour ceux qui lui sont chers, au delà de l'océan.
Elle prie pour Zuko qui n'est peut-être plus rien de tout cela.
Il faut plusieurs heures à leur procession pour accomplir tous les rites, regagner les terres domptées et la chaleur des feux. Qu'importe. Le temps ne s'écoule plus ici.
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À l'heure du dîner, son père lui apprend que Zuko a passé la journée en compagnie de Sokka. Il lui apprend aussi que leur invité a accepté de se joindre à eux pour la soirée. Son ton est anodin, mais Katara sent son anxiété dans les aigus qui percent la fin de ses phrases et les rides qui creusent son front.
La sympathie qu'il éprouvait pour lui s'étiole. Il craint ce que sa venue pourrait ramener à la surface. La jeune femme voudrait le rassurer. Seulement elle partage ses craintes. Elle n'a jamais été une très bonne menteuse.
C'est Sokka qui a insisté pour qu'ils se retrouvent tous. Pris au piège. Un dîner sans escorte et sans dignitaires. Juste tous les cinq, en famille, avec le Seigneur du Feu.
Que se disent-ils quand ils se voient, de quoi parlent-ils ? À qui ressemble une conversation banale après tout ce qu'ils ont traversé ?
Les deux jeunes hommes pénètrent ensemble dans la vaste salle à manger au haut plafond cristallin. Tous deux sont plongés dans une conversation que Sokka alimente de grands gestes. Les années n'ont pas entaché leur amitié, la complicité qui les unit demeure intacte. Une seconde suffit à s'en rendre compte.
Le coeur de Katara se serre. Une pointe de jalousie la pique lorsqu'elle constate leur stupide aisance.
Et elle s'en veut pour cela.
Il y a deux ans, son frère est rentré avec elle. Mais il ne s'est pas fermé comme elle a pu le faire. Sokka a continué à voyager. Elle ne se souvient pas l'avoir vu tenir en place plus de quelques jours. Si l'île de Kyoshi a saon évidente préférence, il n'a jamais décliné une invitation de la Nation du Feu. Katara a beau savoir qu'ils se sont vus à de multiples reprises et échangent régulièrement par faucon voyageur, être témoin des liens solides qui les unissent n'en est pas moins douloureux.
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Ceux qui Restent [Katara & Zuko]
Fiksi PenggemarL'Histoire a toujours eu besoin de ses héros. Ces êtres forts et braves dont le nom traverse les âges. Dont l'existence traverse la vie à la vitesse d'un ouragan. L'Histoire a toujours eu besoin de ses martyrs. Ces âmes éperdument sacrifiées au nom...