7. Un bal sous tension

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Il était rare de croiser des gens comme Gaïa. Alexandre en avait eu conscience assez rapidement.

Ce qu'il avait mis du temps à réaliser cependant, était que sa singularité reposait sur plusieurs éléments. L'histoire de son parcours était fascinante et pareille à nulle autre, bien entendu, mais ce n'était pas tout.

En deux rencontres, il lui sembla avoir eu affaire à deux femmes différentes.

La première était une aventurière, un esprit libre avec des yeux pétillants et pleins de vie. La seconde était effrayante. Sûre d'elle comme il avait seulement vu des femmes du peuple l'être, des femmes qui avaient eu plusieurs fois à se battre pour faire respecter leur droit à l'existence. Cette Gaïa-là était froide, elle faisait passer sa survie et celle de ceux qu'elle aimait avant tout autre chose. Son désespoir la rendait mortelle.

Et ce soir, il rencontrait une autre Gaïa encore.

Tout comme Charles, on ne pouvait que la remarquer.

Elle avait choisi une robe ocre plutôt simple comparée aux tenues que les autres dames portaient. Ses cheveux bruns étaient courts et Alexandre se rendit alors seulement compte qu'il n'avait jamais vu une femme avec une telle coupe. Ils étaient trop courts pour pouvoir être attachés et ondulaient légèrement derrière ses oreilles et sur son front, ce qui lui donnait un air presque rêveur. Elle ne portait pas de perruque, n'avait rien pour orner ses cheveux et avait pourtant une apparence tout aussi sophistiquée que n'importe quelle autre dame. C'était ce qu'elle était ce soir-là. Une aristocrate parmi les autres. Une dame de la haute société qui savait tenir une conversation, qui riait quand il le fallait et qui mettait une main élégante devant sa bouche pour croquer dans un macaron.

Et elle était d'un charme certain.

Lorsque Charles l'invitait à danser, il semblait à Alexandre que le temps se suspendait tant ils attiraient l'attention de tous. L'écuyer lui-même était bien incapable de détourner le regard. Ils possédaient tous deux le genre de beauté qui inspirait les peintres, celle qui jouait avec la frontière entre le masculin et le féminin, le genre de charme naturel qui forçait à s'attarder une seconde, puis deux, puis trois... jusqu'à ce qu'une minute se soit écoulée et que l'on ait l'impression fugace de s'être rapproché du divin.

Un soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'il déplorait encore une fois la banalité de son propre visage. Il avait une tête stupide qui n'avait rien de particulier, des yeux gris et des cheveux certes très noirs, mais dont il ne pouvait rien faire. Il les trouvait trop ternes et plats pour les laisser pousser. Le chevalier aimait les belles choses et une chose était sûre, il n'était pas beau. Pas comme Gaïa...

Une main sur son épaule sortit soudainement Alexandre de ses sombres pensées. Il se retourna et se trouva nez-à-nez avec Sacha. Ce dernier lui sourit et pointa du menton l'endroit où le vice-chancelier était attablé.

— On a besoin d'aide pour préparer une salle. Le vice-chancelier et plusieurs ducs ont besoin de discuter au calme.

Ces mots eurent pour effet de chasser entièrement les ruminations de l'écuyer. Un peu d'action le ferait sortir de sa torpeur et ils allaient enfin pouvoir mettre leur plan à exécution.

— Je te suis.


***


Quelques minutes suffirent pour tout mettre en place et pour qu'un groupe d'hommes sévères ne quitte la grande salle de bal à la suite du vice-chancelier.

Alexandre était persuadé que cela n'avait pas dû échapper à Charles et à Gaïa car il lui sembla qu'au même moment, un soupir de soulagement avait parcouru l'assistance. Comme pour lui donner raison, l'impératrice se leva et demanda à l'orchestre de jouer quelque chose d'entraînant qui fasse danser tout le monde. Son intervention fut accueillie par des applaudissements et des petits cris de joie.

Les Amours du Chevalier d'ÉonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant