11. À la croisée des chemins

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Pendant quelques secondes, ni Alexandre ni Charles ne furent capables de bouger, leurs regards rivés sur la porte qui venait de se refermer. Ce fut l'écuyer qui retrouva ses esprits le premier. La bougie était sur le point de s'éteindre et ils seraient bientôt plongés dans le noir.

Tout en essayant d'être aussi silencieux que possible, il s'approcha du chevalier.

— Nous devrions y aller, Monsieur.

Charles pivota lentement sur ses talons. L'incompréhension sur son visage lui donnait un air tellement jeune qu'Alexandre en fut attendri.

— Pourquoi a-t-elle...

Incapable de trouver ses mots, il ne finit pas sa phrase.

— Elle aurait pu...

— Monsieur, suivez-moi.

Alexandre lui prit lentement la main et la serra avec tendresse. Le contact dut suffire à tirer son maître de sa torpeur car celui-ci cligna des yeux et les reporta sur son écuyer.

— Oui, pardon. Allons-y.

Ils se dirigèrent enfin vers la trappe et Charles la referma derrière eux.


***


Le passage secret était sombre, étroit et bas de plafond. Chacune des deux directions qui s'étendaient face à eux s'enfonçait dans les ténèbres. Ils choisirent celle qui les éloignerait des quartiers des ministres et se mirent en route.

Assez rapidement, Alexandre se sentit mal à l'aise. Leurs pas résonnaient trop forts dans le couloir vide et il avait l'impression que chaque écho venait consolider la chape de plomb qui les enfermait. Ses pensées et ses questions n'avaient pas assez d'espace pour se dissoudre une fois formées. Elles rebondissaient contre les murs avant de revenir vers lui avec un peu plus de virulence à chaque fois. Il ne pouvait s'empêcher de repenser à Gaïa, de se demander ce qu'il allait advenir d'elle. Les papiers dans ses mains étaient illisibles et il brûlait d'envie de demander à Charles ce qu'ils contenaient. Il s'en abstint toutefois. Son maître semblait lui aussi en proie à ses propres pensées et il n'était pas certain d'en connaître la nature. Le sacrifice de Gaïa l'avait certes abasourdi, mais Alexandre n'était pas persuadé qu'il la prenne en pitié pour autant.

Alors qu'il passait à côté d'une torche, Alexandre en profita pour jeter à nouveau un œil au document qui avait fait s'effondrer Gaïa.

— C'est un ordre d'exécution.

La voix de Charles le fit sursauter.

— Un ordre d'exécution ?

— Oui. Signé par le bourreau après qu'il... Après avoir effectué son travail.

Le chevalier s'était arrêté en prononçant ces mots et Alexandre l'imita tandis qu'un sentiment de profonde tristesse l'étouffait. Ils avaient vraiment tué Elena ?

— Sous quel motif ?

Son indignation lui fit reprendre le texte et Charles se pencha au-dessus de son épaule pour souligner une phrase du bout du doigt.

— Exactement ce que Gaïa nous a dit. Sorcellerie...

— Mais c'est trop facile ! protesta Alexandre. Est-ce qu'on peut s'assurer de l'authenticité de la signature ? Après tout, les autres documents sont falsifiés, non ?

— C'est ce que je me demande aussi. Malheureusement, nous manquons de liberté de mouvement ici. Si nous avions été à Versailles...

Charles laissa sa phrase en suspens, les mots qu'il voulait prononcer impossibles à deviner pour Alexandre. Il le dévisagea alors d'un air interrogateur.

Les Amours du Chevalier d'ÉonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant