Quatre ans plus tard
Comme tous les ans en novembre, Alexandre venait de passer trois jours chez son père à Paris à l'occasion de l'anniversaire de ce dernier. C'était un séjour bien trop court qui le laissait toujours plein d'inquiétudes quant à la santé déclinante du vieil homme, mais Alexandre ne manquait jamais d'y aller. L'écuyer n'avait pas beaucoup de souvenirs de sa mère adoptive, morte quelques années seulement après qu'il les ait rejoints, et son père n'avait jamais voulu se remarier. Ils étaient l'un pour l'autre la seule famille qui leur restait.
Pour ne pas déroger à leurs habitudes, Alexandre s'était levé tôt le matin de son retour à Versailles pour aller acheter du pain frais et profiter d'un dernier petit déjeuner ensemble. Il lui fallait prendre des forces. Le trajet entre le château et la capitale n'était pas long, quatre lieues tout au plus, mais le jeune homme était à pied et les fortes intempéries de la nuit avaient laissé derrière elles une brise glaciale. Le trajet promettait d'être long. Alexandre ne pouvait cacher qu'il le redoutait. Au moins, le ciel sans nuage promettait-il une journée ensoleillée.
Il venait à peine de refermer la porte de l'imprimerie derrière lui et s'apprêtait à rejoindre les escaliers qui menaient à l'appartement quand quelqu'un frappa à la porte.
Il ouvrit et se retrouva nez à nez avec un palefrenier de Versailles accompagné d'un cheval qu'il ne reconnaissait pas. La surprise se dessina sur son visage.
— Monsieur Alexandre Rossignol ?
— Oui, c'est moi.
Le jeune homme lui tendit alors une lettre.
— De la part de Madame Vassilievna Parchoukova. Elle vous envoie un cheval.
Derrière lui, Alexandre entendit son père descendre les escaliers et s'empressa d'ouvrir la lettre. Éberlué, il essayait tant bien que mal de comprendre ce que tout cela signifiait, mais les mots se bousculaient dans son esprit et il dut relire les trois phrases qui composaient le message plusieurs fois sans pour autant en comprendre la signification. Elle lui envoyait un cheval ? Face à lui, le palefrenier attendait, les bras croisés. Il lui parlait, mais Alexandre était seulement conscient de l'impatience qui se faufilait entre chacun de ses mots.
— Vous le prenez, oui ou non ?
C'était la deuxième fois qu'il lui posait la question et la deuxième fois qu'Alexandre se passait une main derrière la nuque en levant la tête avant de reporter ses yeux sur l'écriture soignée de Gaïa. Elle le prenait complètement au dépourvu.
— Euh...
Le palefrenier lâcha un énième soupir et ce fut alors que son père réagit.
— Vous remercierez cette dame, mais mon fils n'en aura pas besoin. Son maître s'est déjà occupé de son retour. Voilà pour vous.
Ses mots eurent au moins pour effet de faire réagir Alexandre.
— Quoi ?
Son père arborait un sourire mystérieux tandis qu'il remettait quelques pièces au palefrenier. Ce dernier prit ensuite congé, entraînant le cheval à sa suite.
— Père ?
Alexandre essaya à nouveau d'attirer son attention, mais l'homme refermait déjà la porte et sortit un morceau de papier d'une de ses poches.
— Eh bien, souffla-t-il d'un ton amusé en lui tendant ce qui s'avéra être une autre lettre. J'ignorais que mon fils était aussi populaire... Monsieur d'Éon t'a envoyé son cheval, je l'ai fait mettre dans la cour intérieure.
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Les Amours du Chevalier d'Éon
Fiksi SejarahVersailles, 1756. À la cour du roi Louis XV, on ne parle que du chevalier Charles d'Éon de Beaumont, personnage androgyne mystérieux aussi beau qu'intelligent, qui attire tous les regards et convoitises. Alexandre a 21 ans. Cela fait trois ans qu'il...