21. Représailles

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Ça te plairait, pas vrai ?

Edelone essuyait les pleurs de Lyia avec lassitude. C'était déjà le troisième mouchoir qu'elle souillait de larmes et autres joyeusetés visqueuses. Dans une moue dégoûtée, la demi-elfe dut admettre que s'occuper de la peine de la petite fille avait le mérite de la distraire de la sienne. Elle tenta de remettre ses cheveux collants dans sa tresse avec un succès tout relatif.

— Mais pourquoi c'est pas avec toi qu'il se marie ? Pleura-t-elle.

— Tu as mal compris notre relation, Lyia, essaya-t-elle d'expliquer. Je n'ai jamais été sa compagne je suis... un peu comme son garde du corps. Tu comprends ?

— Mais il est amoureux de toi ! S'énerva-t-elle.

— Chut !

Edelone scruta les alentours en quête d'oreilles indiscrètes. Un rapide coup d'œil suffit à la rassurer. Les convives, trop occupés à féliciter le jeune couple, ne prêtaient pas attention aux jérémiades d'une enfant.

— Tu ne peux pas crier ça à un mariage, la sermonna-t-elle. Et ce n'est pas vrai, il n'est pas amoureux de moi.

— Bah t'es presque aussi stupide que lui si tu le vois pas !

La déception lui faisait perdre le peu de contenance dont elle savait faire montre. Edelone bascula la tête en arrière, à bout. Elle essuya une fois de plus les larmes de l'enfant qui en profita pour se moucher sans gêne dans le tissu. Il était agréable d'avoir un échange avec quelqu'un qui ne passait pas par quatre chemins pour s'adresser à elle, il fallait le reconnaître. Cependant, expliquer le bien-fondé d'un événement qui lui brisait le cœur constituait un exercice pénible.

— Lyia, appela-t-elle doucement.

— Non ! Je veux pas entendre tes bêt...

— Lyia, écoute-moi, ordonna-t-elle.

L'autorité d'Edelone coupa le sifflet de la gamine. Elle avait son attention. La moine prit une longue inspiration. Cette brèche ne s'ouvrirait pas deux fois.

— La vie nous réserve des épreuves. Certaines te paraîtront justes, d'autres arbitraires. Que tu le veuilles ou non, ces épreuves jalonneront ta vie. C'est la manière dont tu les affronteras qui te façonnera en tant que personne. La vie est douloureuse, et nous ne pouvons pas éviter cela, tu en sais quelque chose. Le seul contrôle que tu peux exercer, c'est la réaction que tu choisiras face à ce qui te hérisse. Alors, qui souhaites-tu devenir, Lyia ? Veux-tu apprendre de cette journée ou t'apitoyer sur mon sort ?

Lyia avait cessé de pleurer. Elle buvait les paroles de son aînée. La gamine fronça les sourcils, résignée. Sa lèvre inférieure tremblait de frustration. Du revers de sa manche, elle essuya les larmes qui couvraient ses joues rondes, puis planta son regard dans celui d'Edelone dans ue détermination renouvelée. Son Ki retrouva un rythme régulier, bien que lourd.

— J'apprendrais.

Edelone sut. Dès cet instant, Lyia venait de révéler tout le potentiel pour devenir une moine d'excellence. L'étincelle de la résilience brillait en elle. La gardienne hocha la tête et se redressa.

— Maintenant, va rejoindre les autres. Sois digne du monastère.

Lyia acquiesça. Elle tourna les talons et quitta son aînée d'un pas assuré. Edelone se détendit, elle avait réussi à enseigner quelque chose à cette enfant. Un sentiment de satisfaction grandissait en elle. Il était temps qu'elle écoute ses propres conseils.

Parler de résilience ne suffisait pas à l'apprivoiser. Si une gamine était capable de rétablir son Ki si vite, alors elle devait y arriver aussi. Il lui tenait à cœur de mettre un terme au risible spectacle de ses déboires en cette journée supposée faste. Quelques minutes permirent de détendre les vibrations de son énergie. Toujours embarrassée par ses émois, elle rejoignit son maître et son épouse sans aller saluer ses pairs, seuls invités capables de lire à travers son masque.

Au service de l'absurde - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant