9. Fin de Coda

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Répète, répète, répète encore. Que nous passions à ce qui importe.

Les pas discrets de Soarek et son gardien annonçaient une nuit animée. Camouflée dans l'ombre d'un lourd rideau de velours, elle attendait l'arrivée des deux intrus, le cœur battant. A priori, arrêter deux hommes ne serait pas un très rude défi pour elle. Ils tentaient une approche discrète pour mettre toutes les chances de leur côté : c'était la technique des plus faibles. Elle bénéficiait d'un certain temps avant que la vie du vicomte ne soit en danger. Et puis, avec la soirée qu'il lui avait fait passer, autant dire que la gardienne n'était pas très pressée d'intervenir. A son humble avis, il méritait au moins d'être réveillé avec fracas.

Elle resta donc dans sa cachette et observa les faits et gestes des agresseurs. Leur identité se confirma lorsqu'elle aperçut les silhouettes de l'elfe et du demi-orc se dessiner dans l'obscurité. La grue cendrée sur la main du gardien termina de confirmer ce qu'elle savait déjà. Ils s'arrêtèrent devant la porte qui menait à la chambre du vicomte. Ce fut Soarek qui brisa le silence en premier.

— Tu t'occupes de la gardienne pendant qu'elle dort, et moi je vais dans sa chambre le récupérer discrètement.

Le guerrier approuva d'un signe de tête. Alors comme ça, Soarek ne voulait pas tuer le vicomte ? Il recherchait quelque chose qu'Adren possédait. Les deux hommes pénétrèrent en même temps dans les chambres attribuées à leur mission.

Edelone se réfléchit à toute vitesse. Le fait qu'ils se séparent ne l'arrangeait guère. Entre les deux, elle estima que le gardien était plus puissant, elle commencerait donc par lui. Elle n'avait pas intérêt à traîner puisqu'Adren dormait à poings fermés, Soarek déjà dans infiltré dans la chambre. Elle commençait à regretter d'avoir traîné.

Leur plus grande erreur fût d'agir en pleine nuit. Les ombres et la demi-elfe étaient intimes. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle fit un pas en avant. Mais son pied ne se posa pas dans le couloir. Il atterrit tout droit dans la chambre qui lui était destinée, derrière son agresseur. C'était Cinalu qui lui avait enseigné ce pas au travers de la nuit. Embrasser le Ki de l'obscurité lui ouvrait des portes insoupçonnées.

Penché au-dessus du lit, le gardien examinait un lit vide. Sans perdre une seconde, elle passa un bras autour de son cou. La pression sur sa gorge l'empêchait de crier. Il échoua à alerter son maître, seul un son étouffé s'échappa de l'étreinte mortelle. Il se débattait, avec la faiblesse de celui qui se savait condamné. Ses mains serrées sur ses avant-bras, il griffait sa peau avec désespoir.

— Imbécile, murmura-t-il péniblement.

Le craquement sourd de sa nuque sonna le glas de ses derniers instants. Edelone retint sa chute juste assez pour prévenir le fracas de son corps percutant le sol. Elle s'empressa de rejoindre la chambre de son maître. Elle foula les ombres jusqu'à la porte entrouverte, la peur au ventre.

En pénétrant dans la pièce, elle dût reconnaître avoir exagéré en différant son intervention. Le vicomte était étendu au sol, sur le ventre, son demi-frère avachi sur lui et lui bloquant ses bras dans son dos. Son visage se tordait dans une expression de douleur ravalée. Cette scène avait le goût délicieux de la revanche. Son pendentif d'ambre étincelait au reflet de la Lune, hors de portée. Sans lui, il était incapable d'incanter des sorts. Soarek dépassait son frère sur le terrain de la force pure.

Le plan était simple : frapper vite et fort pour empêcher l'assaillant d'incanter. Pour ce faire, elle avait deux possibilités : lui retirer son focaliseur d'incantation, ou l'empêcher de parler. Ne connaissant pas la forme du siège de sa magie, la deuxième option s'imposait.

Au service de l'absurde - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant