Chapitre 11

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Daëri

Je débats entre me changer ou pas, mais j'en peux plus de cette combinaison. D'un autre côté, c'est la seule chose qu'il me reste. Si je me change, je fais un autre pas dans cet enfer censé anesthésier mes 5 sens. Je n'ai qu'à garder la combinaison avec moi et la fixer. Il a fallu qu'elle soit blanche aussi sans les lumières, mais au moins il y a les taches de sang dessus à fixer. Je me demande s'ils me filment...oui définitivement. Je me change comme je peux sous ma couverture, et épuisée, je décide de dormir. Mais soudain, des bruits de fumée s'échappent des quatre coins de la pièce. Avant de pouvoir penser à crier, ma tête s'écrase sur mon coussin, sans mon consentement.

Quand je me réveille en panique le lendemain je crois, je regarde autour de moi et c'est pareil. Ce n'était pas un cauchemar. Mais le vrai mauvais rêve est quand je constate que ma combinaison a disparu. Je suis tellement stupide! Je vais vraiment devenir folle ici, c'est comme ça que je vais finir. J'ai entendu parler de prisonniers qui se mutilaient, pour pouvoir écrire avec leur sang, pour avoir quelque chose à faire. Quelque chose à voir, sentir, goûter. Je ne veux pas en arriver là.

Justement, je ne sais pas comment je fais, mais remarque une boîte blanche. Je l'ouvre et trouve une bouteille et une barre blanche aussi. Je plonge mes dents dans la barre, mais constate qu'elle n'a pas de goût. C'est comme de l'eau, en barre blanche et compacte. Même pas gélatineuse, juste compacte. Elle ne sent rien non plus. Je me lève et la jette avec la bouteille. Ils ne peuvent pas me rendre folle si je dors. Je vais me coucher, mais la lumière s'intensifie. Je recouvre ma tête de ma couverture, mais tout passe à travers. Les fils de putes. Je déteste ces choses se pensant malignes, je les égorgerais moi-même quand je serai sortie d'ici. Je me mets à hurler:
-Je vais tous vous égorger! Un par un! J'espère que vous m'entendez bien! Bande de connards!

Je suis déjà en train de me comporter de façon stupide à nouveau. Je ne vais pas attendre d'avoir perdu la tête pour sortir d'ici. Je sortirai d'ici dans un sac à cadavre s'il le faut.
Le temps passe, et j'atteins ce qui me semble être assez d'heures pour être lendemain. Peut-être que je me trompe, à cause de l'ennui qui rallonge le temps, et que ça fait plus longtemps. J'ai mal au ventre et mon estomac ne veut pas la fermer, mais comme depuis je ne sais pas quelle heure je reprends comme un conte:
-Mon père va vous retrouver, vous torturer, vous arracher les dents une par une...vous crever les yeux et vous les faire bouffer. Vous foutre une barre dans la tête et vous garder en vie pour que vous la sentiez bien, et je parle pas du reste que vous allez bien sentir. Une perceuse peut passer par tous les orifices, vous savez et...

J'entends la fumée envahir la pièce et assez vite je cligne des yeux.
Quand je les rouvre, je regarde autour de moi et une larme coule. J'ai vraiment soif. Je ferme les yeux et chante la chanson que Papa me chantait à répétition. Je finis par m'endormir ou m'évanouir vu ma faiblesse.
À mon prochain réveil, le quatrième, ma bouche est encore plus sèche. Tellement sèche, qu'elle fait de l'ombre à l'état de mon ventre qui bizarrement me fait moins souffrir. Je fixe le plafond blanc qui ne m'a pas quitté depuis des jours. L'obscurité à part celle sous mes paupières, qui sont traversées elles aussi par la lumière, n'est qu'un souvenir à ce point-là.

Je ferme tout de même les yeux et écoute le bourdonnement dans ma tête, jusqu'au jour suivant. Je crois. Je ne compte plus vraiment les jours. Je ne vois que le sol sur le côté. Sur ce sol, je commence à voir des hallucinations: Une paire de bottes brune qui s'approche rapidement. Elle est accompagnée d'une autre paire puis de de baskets. J'ai à peine le temps de les voir que je me sens soulevée. C'est le vertige le prochain symptôme?
On me pose doucement sur une nouvelle surface plate au début, mais qui s'adapte ensuite à mes formes. Sa douceur contraste avec des cris féminins que j'entends vaguement:
-Elle ne bouge même plus!

Une autre voix beaucoup plus grave s'écrie:
-Fais quelque chose Moya!

Je sens qu'on prend mon bras et une légère chaleur passe dessus. La troisième voix dit plus calmement:
-Merde, j'en étais sûre.

La voix grave dit plus de doucement qu'avant:
-Quoi?

Celle qui était calme répond:
-Elle est critiquement déshydratée. J'ai cru qu'elle allait craquer avant-hier, et boire les deux bouteilles qu'on lui a laissées, mais...

La voix féminine du début crie:
-Vous l'avez fait exprès! Maintenant, fais quelque chose si tu veux pas qu'elle meure.

Je ferme complètement les yeux et coule.
Je me réveille après ce qui me semble d'autres heures, avec un bip répétitif près de moi. Il y a une perfusion. Je tente de bouger et vois la menotte en métal à mon poignet. Vintage. Je laisse ma tête retomber sur l'oreiller et expire. Soudain, la voix de celle qui s'appelle Ena, et que je reconnais d'il y a des heures, se rapproche en disant:
-Elle s'est réveillée!

Qu'est-ce qu'elle fout ici? Avec un sourire stupide, elle me dit :
-Enfin! Ça fait deux jours.

Je fronce les sourcils, deux?! Ses yeux noirs s'élargissent et ses sourcils assortis retombent, avant qu'elle me dise:
-On est désolés pour ce qu'il s'est passé. On voulait pas faire ça. C'est le conseil.

Ils ont un conseil, c'est mignon.
Mais "on"? Comme pour répondre à ma question mentale, je sursaute presque en remarquant l'inconnu aux yeux verts, au milieu de la porte. Il s'arrête de m'observer ou d'attendre je ne sais quoi et me fait signe. Il s'approche avec ce qu'il avait à la main. De l'eau. Sa voix grave me dit doucement:
-Salut, t'as fini par te réveiller. On perdait espoir...ta perfusion c'est pas assez. Tu dois boire à nouveau si tu peux.

J'essaie de l'insulter pour contrer ma peur, mais ma bouche est trop sèche. Ça le fait sourire et donc son regard brille. Il me rappelle justement les plantes des oasis, que j'avais découvertes il y a seulement quelques jours. Il répond à mon regard par:
-Je sais que t'essayais d'exprimer ta gratitude, t'inquiètes pas.

Ena se cache dans sa chevelure ondulée pour rire doucement. Blasée je me recouche, mais l'inconnu remonte un peu le lit. Près de moi, il met le plateau où il a posé sa bouteille et Ena un verre. Il me dit:
-Bon tu bois juste un peu et on te fout la paix.

Je ne comprends pas ces humains. Ils me jettent dans la pire des cellules connues de leur espèce, puis me font sortir et veulent se montrer gentils. Des hypocrites. Je lui lance un regard incendiaire qui le fait sourire à nouveau. Il remplit le verre que je regarde avec dédains. Ena lui demande amusée:
-Tu vas la faire boire de force?

Il secoue la tête et dit:
-Je suis pas gardien de prison. Elle fait ce qu'elle veut, mais je vais attendre.

Ben, prépare-toi à attendre. Mais cette eau a l'air tellement attrayante...je sais. Je le regarde et lui fais signe puis lui montre que je ne peux pas utiliser ma main droite. Je ne pense pas qu'il me fera chier avec l'autre, vu que je suis faible. Ena dit en s'approchant:
-Elle a besoin d'aide.

Mais je secoue la tête en la regardant et désigne l'inconnu aux cheveux nuit du menton. Il sourit et dit à Ena moqueur:
-Elle veut que ce soit moi qui l'aide.

Ena lève les yeux au ciel et il prend le verre. Je prie pour que sa peau n'entre pas en contact avec la mienne. Heureusement, il porte le verre à ma bouche et me fait boire doucement sans que ça n'arrive. Je bois pour de vrai puis remplis ma bouche et m'arrête de boire. Il enlève le verre et j'utilise enfin mon autre main pour lui faire signe d'approcher. Il dit souriant:
-T'as un truc à me dire?

J'observe brièvement ses taches de rousseur se rapprochant. Par-dessus la panique qu'il me donne de par sa proximité, je lui crache toute l'eau dessus. Ena éclate de rire. Yeux Verts qui était resté figé avec un air ennuyé souris, puis se met à rire doucement.
Il se redresse et me dit:
-Toi et moi, on a fini pour aujourd'hui.

J'aurais voulu qu'il s'énerve plus que ça. Maintenant je me rends aussi compte d'une chose. Je ne connais pas son prénom.

EMISSENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant