Incompatibles

☁︎ chapitre 4

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— Qu'est-ce que tu écris ?

Sangmin ferme son journal d'un coup sec. Sa phrase restera inachevée, son dernier mot incomplet. Il ne manque plus que Taeyoung lise par-dessus son épaule, qu'il pose des questions, qu'il apprenne tout ce que Sangmin garde tant bien que mal tout au fond de lui.

— Rien, c'est... rien..., répond-il tout bas.

Malgré un regard dubitatif que Sangmin regrette d'avoir croisé, Taeyoung n'insiste pas. Sangmin range son carnet dans son sac avant de croiser les bras sur son torse, essayant de retenir le plus possible ses tremblements. Sa jambe tressaute, et ce simple constat le renvoie chez Taeyoung. Il sent à nouveau la chaleur de sa paume contre sa cuisse, à travers le tissu de son pantalon. Il s'éclaircit la gorge et s'intéresse à la pendule de la classe. Huit heures moins cinq. Taeyoung est arrivé bien trop tôt. Beaucoup trop tôt. Comment Sangmin va pouvoir s'occuper l'esprit avant le début des cours ?

Il se frotte le visage alors qu'un soupir lui échappe et il croise de nouveau les bras. Une main se pose sur son épaule, douce et chaude. Sangmin ferme les yeux, tâchant de repousser la boule de chaleur qui naît au creux de son estomac, d'ignorer son cœur affolé.

— Sangmin ? l'appelle Taeyoung.

Un ton hésitant mais toujours tendre. Sangmin pince les lèvres. Après quelques secondes bien trop longues, il consent à se retourner, se soustrayant au passage au contact de son ami.

— Tu as l'air fatigué... Est-ce que quelque chose ne va pas ?

Sangmin s'empêche d'avoir la moindre réaction. Non, tout va bien. Évidemment. Ce n'est pas comme s'il a fait un cauchemar avec une chute mortelle, qui l'a réveillé en sursaut et lui a pourtant donné l'impression d'être enfin libre. Libre... Libre de respirer, libre de tout. Son nez picote, il secoue la tête. Surtout pour chasser les larmes avant qu'elles ne montent, un peu pour répondre à Taeyoung.

— Sûr ? Ce n'est pas... à cause d'hier ?

S'humectant discrètement les lèvres, Sangmin détourne le regard, cherchant un point d'ancrage quelque part dans la salle de classe. Il s'arrête sur un camarade devant son casier, l'observe y ranger un manuel avant de gagner sa place, sous une fenêtre. Le comportement de Taeyoung avait une signification ou un but particulier, autre que l'arrêter dans ses gestes nerveux ? Va-t-il essayer de lui parler ? d'avoir cette discussion qu'il avait demandée ? Que voulait-il lui dire ?

— Je suis désolé... d'avoir dit ou fait quelque chose qui a pu te mettre mal à l'aise...

Sangmin ferme les yeux et expire tout l'air de ses poumons. Il ne trouve pas le courage d'affronter le regard de Taeyoung, mais se tourne à nouveau vers lui, les yeux rivés sur sa trousse. Pour lui répondre, il se contente d'un signe négatif de tête. Que peut-il lui répondre d'autre ? « Oui, j'étais mal à l'aise mais il est absolument hors de question que ça remonte à la surface » ? « J'ai paniqué parce que j'étais sur le point de faire une énorme bêtise qui allait tout gâcher entre nous » ? Se taire, un point c'est tout.

Alors il ne répond rien, n'agite même pas la tête. Et se retourne.

Tout au long de la journée, Sangmin a un mal fou à rester concentré sur les cours. Il continue à se poser mille et une questions sur le comportement de Taeyoung, à revoir encore et encore son rêve. Sous ses paupières closes ou devant ses yeux grands ouverts s'imprime l'image de Taeyoung, le visage inondé de larmes et la main tendue vers lui. Plus que tout, Sangmin se sent à nouveau tomber, effrayé et délivré. Il se sent à nouveau respirer, alors qu'ici il étouffe. Le regard de son ami pèse lourd dans son dos, mais il ne peut que l'ignorer, garder la bouche fermée. Tout menace de sortir avec une telle force, une telle puissance, que s'il écarte un tant soit peu les lèvres, il a peur de ne rien pouvoir retenir.