☁︎ chapitre 20

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Vendredi soir, Sangmin s'isole dans la petite salle de bain pour échanger quelques messages avec Taeyoung sur leur sortie de demain ; il ne leur faut pas longtemps pour convenir d'une heure et d'un point de rendez-vous, accessible facilement pour l'un comme pour l'autre. De retour dans la cuisine, où il s'installe avec ses devoirs, il s'assure d'avoir coupé le mode vibreur avant de cacher son portable sous un cahier, au cas où Jumin continue ses vagabondages dans l'appartement. Il guette même la porte d'entrée ; il ne manquerait plus que ce soit Sarang qui le surprenne. Leur situation s'arrange, à n'en pas douter, mais ça risquerait de l'envenimer à nouveau.

Lorsqu'il fait des pauses entre deux exercices ou deux leçons à réviser, Sangmin prend quelques secondes pour répondre au dernier message de son petit ami ; la conversation a depuis longtemps dévié de leur sortie, ils parlent de tout et de rien, les sujets s'enchaînant avec encore plus de facilité qu'à l'oral. Une insouciance retrouvée qui occulte noir et douleur, rumeurs et angoisses.

Sangmin veille si tard que sa mère rentre avant même qu'il ne se soit décidé à mettre un terme à ses révisions du soir. Ils échangent un regard interloqué.

— Tu n'es pas encore couché ? s'étonne Sarang. Tu devrais te reposer...

Plantée à quelques pas de la table, elle esquisse un geste. Comme si, même à cette distance, elle était prête à lui glisser une caresse dans les cheveux. Elle serre le poing et s'avance comme si de rien n'était vers l'évier. Sangmin avale difficilement sa salive, le cœur palpitant. La fatigue lui donne-t-elle des hallucinations ?

— Tu mérites bien un peu de repos, reprend-elle dans un murmure. Et les vacances sont faites pour ça.

— J'ai qu'une semaine, ose répondre Sangmin.

Sa voix tremble. Tout son corps tremble, plus que jamais. Il est en train de rêver. Les conversations banales ont continué à le surprendre lorsqu'ils se sont aperçus au cours de la semaine, mais celle-ci lui semble si différente. Sarang l'incite au repos, ça veut dire qu'elle se soucie toujours de son bien-être, de sa santé. Qu'elle fait des efforts pour le lui montrer. Le changement, bien que survenu petit à petit, est si rapide.

— Je sais, mais profites-en. Tu pourrais... te lever plus tard, ou te coucher plus tôt... et sortir pour... voir Jaehyun, par exemple. Ou Taeyoung.

Souffle à peine audible. Sangmin doute avoir bien entendu. Elle lui souhaite même de passer du temps avec son petit ami ? Le cœur complètement fou, il préfère rassembler ses affaires et filer se coucher. Tout ce qu'il espère est sous ses yeux, mais la peur prend le dessus. La peur de rêver, de mal interpréter, d'être déçu et blessé. La peur de plonger à nouveau à pieds joints dans le noir. La peur que la situation s'arrange quand celle de Taeyoung empire.

Le sommeil le fuit longtemps, si bien qu'il dort à peine. Comment fermer les yeux ? Comment prendre le risque de se donner la preuve que tout est inventé ?

Jumin se lève avant qu'il ne se décide à sortir du lit ; il profite d'être seul dans la pièce pour consulter son téléphone. Pas de message, mais huit heures trente-deux affichées sur l'écran de verrouillage. Il a peut-être peu dormi, mais le temps ne l'a pas attendu.

Pressé, il s'enferme dans la salle de bain et prend une douche fraîche dans l'espoir de chasser la fatigue. Il enfile une tenue légère et rejoint sa sœur dans la cuisine, laquelle lui a préparé son petit déjeuner.

— J'ai vu l'heure, lui explique-t-elle simplement.

Sangmin n'a pas faim. Il se force pourtant à avaler son bol, par respect pour Jumin. Combien de fois s'est-il dit qu'il ne veut plus lui faire le moindre mal ? Le cœur au bord des lèvres, il boit un verre d'eau pour tout faire passer et n'en attend pas plus pour se préparer à quitter l'appartement. Un trajet d'une cinquantaine de minutes l'attend, et il est hors de question de faire patienter Taeyoung ne serait-ce qu'une seconde.

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