Chapitre 30

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Quelques jours plus tard...

Un petit pip m’indique que j’ai reçu un message.

- Attends ! j’annonce à Maja.

J’espère que ce n’est pas quelque chose d’urgent... Le nom « Raphaël » s’affiche sur l’écran. Les doigts tremblants, je tape le code de mon téléphone et ouvre mes messages.

*Salut Ophélia,

Nathaël a accepté de nous voir. Il veut nous rencontrer ce samedi, car il a des choses à faire dans le coin pour son travail. Je viendrai te chercher chez toi. Émilien rentre bientôt.

R.

- C’est un message clair, au moins, je marmonne.

- Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi fais-tu cette tête ? m’interroge Maja alors que je la rejoins dans la salle, mon téléphone portable à la main.

- Il veut me revoir.

Je lui tends le téléphone et elle lit le message de Raphaël, les sourcils froncés.

- Il n’y a pas de raisons pour que ça se passe mal. Il ne faut pas que tu restes seule avec le frère de Raphaël... Qui est Émilien ?

Je soupire.

- Mon frère jumeau.

Maja me regarde, les yeux ronds. Puis elle les plisse bizarrement.

- Ce ne serait pas... Émilien Lansay, que tu cherchais sur Internet il y a quelques jours ?

- Si, c’est lui ! Ça ne fait pas très longtemps, mais j’ai l’impression que ça remonte à une éternité !

- Tu es la sœur d’Émilien Lansay ? Sérieusement ? s’exclame Maja. Tout ce qu’il a fait pour les orphelins... Wow, je suis admirative ! Il est comment en vrai ?

- C’est mon frère avant tout ! je ris. Je l’ai connu avant sa célébrité...mais nous nous sommes perdus de vue pendant plusieurs années.

Mon sourire s’efface en repensant à ces années passées chez mes parents sans lui. Je me sentais si seule... Et ma mère devenait de plus en plus dure, de plus en plus...

Ma gorge se noue, et les poils de ma nuque se hérissent.

- Excuse-moi, Maja, je crie précipitamment en sortant en courant de la pièce.

Je cours jusqu’aux toilettes et m’enferme dans une cabine, me prenant la tête entre les mains. Qu’est-ce qui ne va pas, chez moi ? J’avais pourtant presque réussi à oublier mes souvenirs de ce jour-là... Il ne faut pas que je m’en souvienne ! Non, non et non ! Pas maintenant, pas alors que j’ai besoin de tout mon sang-froid !

Je me force à respirer en rythme avec les battements de mon cœur ; cela m’aide à me concentrer sur le présent. Puis je ferme les yeux et attend que mes émotions se stabilisent. Mais ça ne marche pas. Des bribes des souvenirs me remontent, alors que je les pensais soigneusement effacées de ma mémoire. Mais tout est imprimé dans ma rétine. Il y a des choses qu’on ne peut jamais oublier, je songe, remplie d’amertume et d’une profonde tristesse...

Je regarde mon téléphone, serré dans ma main, et contemple le message de Raphaël. Je lui répondrai plus tard. Je n’ai pas la tête à ça, pour le moment.

Je vais voir Nathaël. Je l’ai déjà vu, mais sans savoir que c’était lui. J’ai peur qu’il agisse comme l’a prédit Raphaël. J’ai peur qu’il nous fasse du mal, à Raphaël et moi. Même si nous ne sommes plus ensemble, même si tout est terminé entre nous... Je ne veux pas que Raphaël souffre. Il mérite une vie heureuse. Pas comme moi. Ma vie n’a pas été heureuse et ne le sera jamais. Il y a toujours des gens qui me la pourrissent. Mais j’ai Julia. Diego. Et maintenant, à nouveau, mon frère. Je sais que je peux et pourrai toujours compter sur lui. Ce n’est pas de sa faute s’il est parti de la maison. Il voulait échapper à cette atmosphère étouffante, pleine de violence. Petite, j’ai cru qu’il m’avait abandonné. Mais jamais je n’aurai apprécié qu’il se sacrifie pour moi. Ça n’aurait rien changé. Certains actes de ma mère...seraient restés inchangés, même s’il avait été là. Il n’aurait rien pu faire pour me protéger, et je suis heureuse qu’il n’ait pas assisté à certains...évènements. Je l’aurai fait souffrir, parce que je sais qu’il m’aime. Et moi aussi, je l’aime. Il m’a beaucoup protégée quand j’étais plus jeune. J’ai estimé, à l’époque, que c’était à mon tour de prendre soin de lui. Il n’a pas vécu, parce qu’il était sans arrêt trop préoccupé par moi. Je me sens tellement coupable...

- Ophélia, tu vas bien ? retentit la voix de Maja derrière la porte de la cabine des toilettes.

Je ne réponds pas. Elle tape contre le battant.

- Ophélia ! crie-t-elle, l’air angoissé. Je suis désolée si j’ai dit quelque chose qui ne fallait pas...

Je ne voulais pas qu’elle culpabilise. Je ne peux juste pas parler. Si je parle, je vais fondre en larmes. Et il ne faut pas. Il ne faut surtout pas que je pleure. J’ai bien assez pleuré...

J’abaisse le loquet. La porte s’entrouvre, et Maja s’engouffre dans l’espace exiguë.

- Ce n’est pas de ta faute, murmuré-je. Il y a certaines choses que je n’arrive pas à dire...

Ma voix est rauque, les larmes me montent aux yeux et je tourne la tête. Mon corps entier me fait mal. Tout est ravagé par mes souvenirs, surtout ma tête. Les images défilent, et elles sont violentes. Pleines de sang, pleines de hurlements...

Maja me secoue. Elle s’est agenouillée près de moi.

- Ophélia, je ne sais pas ce que tu as vécu. D’accord ? Mais il faut que tu parles à quelqu’un. C’est important. Regarde dans quel état tu te mets ?

- C’était mieux. Mais tout me revient, parce que Raphaël fait partie de mon passé... Je n’en peux plus...

- Ophélia, tu dois continuer, te relever et combattre tes démons. Pour ta fille et ton neveu, au moins. Et même pour ta nièce. Ils ont besoin de toi, ces enfants.

- Je m’en veux tellement, Maja. Ils ont vu des choses qu’ils n’auraient jamais dû voir... Tout est de ma faute.

- Je pense que la plus grande fautive est ta sœur. Elle a deux enfants, mais ne pense aucunement à leur bien-être. Tu as eu une vie difficile, Ophélia. Julia comprendra lorsqu’elle sera un peu plus grande, que tu étais une mère merveilleuse et que tu as tout fait pour la protéger. Alors fais-le. Protège-la.

Les mots de Maja cheminent jusqu’à mon cœur. Je la serre dans mes bras.

- Merci, Maja. Que ferais-je, sans toi ?

- Pas grand-chose, probablement, rit-elle, mais ses yeux restent tristes.

Je lui souris, et repousse tous les souvenirs négatifs qui emplissent ma tête. Je dois penser à Julia et Diego. Pas à ce que mes souvenirs me rappellent.

Je dois être forte.

******

Ce soir-là, dans ma chambre, au moment d’éteindre la lumière pour aller me coucher, j’écrivis à Raphaël afin de lui répondre, en ayant l’absurde impression d’être une adolescente.

*Salut,

Très bien. Tu passeras vers quelle heure ?

Sa réponse ne tarde pas.

*Je serai là vers 15 heures.

R.

J’écrivis donc :

*Très bien. Je t’attendrai en bas, devant ma résidence.

Je ne reçus aucune réponse. Tant pis ! Satisfaite mais stressée pour cette journée qui s’annonçait mouvementée et pleine de révélations, je posai mon téléphone sur ma table de nuit et éteignis la lumière de ma lampe de chevet, pour m’endormir.

Only One Life (T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant