Chapitre 44

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Julia dort profondément à l’arrière de la voiture. Entre Émilien et moi règne un profond silence qui commence à me mettre mal à l’aise. Pendant tout le trajet, nous ne décrochons ni l’un, ni l’autre, un seul mot. L’imagination de mon frère doit fonctionner à plein régime. Quoique... Il est assez pragmatique. Il doit sûrement attendre mes explications avant de s’emballer. Mais quand je lui dirai tout... Je déglutis.

Nous arrivons finalement devant la villa de mon frère, mais il passe devant sans s’arrêter.

- Ce n’est pas ta maison ? je lui demande, interloquée.

- Je préfère passer par derrière.

Il finit par se garer devant un garage en sous-sol.

- On est arrivés.

Je descends de la voiture et ouvre la portière pour prendre ma fille, mais Émilien me pousse doucement sur le côté.

- Tu es blessée, Ophélia. Ne joue pas avec le feu, s’il te plaît.

Je le laisse prendre Julia, qu’il entoure de bras protecteurs. Je me sens soudain en colère contre mon frère. Il n’a pas été là pendant plus de 10 ans, et il se permet de me faire la leçon, alors que j’ai vécu des choses beaucoup plus graves que de simples bleus ? Puis je me raisonne. Il n’était pas là. Il ne peut pas savoir ce que j’ai vécu. Et je compte continuer à lui cacher ces périodes sombres de ma vie. Je ne veux pas qu’il sache pur Théo. Je ne veux pas qu’il sache que j’ai perdu mon fils. Il s’en voudrait. Alors que je suis la seule coupable. Je connaissais très bien les agissements de ma mère à mon égard, mais j’ai été assez stupide pour penser qu’elle ne ferait pas de mal à un bébé, à son petit-fils...

- Lia, tu viens ?

Lia... Tu es certaine de ne pas vouloir venir avec moi ? Je ne veux pas t’abandonner ici toute seule... Lia... Tu viens ?

Tout semble embrouillé dans ma tête. Il y a trop de choses que j’ai gardées pour moi. En fait, seul Nathaël est au courant de tout. Drôle de monde...

Je lève les yeux vers Émilien. Il se tient sur le côté gauche du garage, en surplomb, ma fille dans ses bras. Il y a un petit chemin que je n’avais pas vu, qui doit mener à la maison.

- J’arrive.

Ma voix contient diffcilement mon émotion. Que va-t-il se passer, mainteant ? Qu’allons-nous vivre encore comme drame ? De toute ma vie, je n’ai connu que douleur, tristesse et déception. Alors, maintenant ? Je ne peux pas croire au bonheur. Pourtant, alors que je monte derrière mon frère, je ne peux pas m’empêcher d’espérer. Si je dis tout à Raphaël, est-ce qu’il me pardonnera de lui avoir caché que notre enfant était encore en vie, et non mort-né, comme je lui ai dit ? Est-ce que je pourrai me soulager de ce poids ? Est-ce que je réussirais à retrouver un équilibre ? Et va-t-il me demander la garde de Julia ? Il a une bien meilleure situation que la mienne, parce que je ne gagne presque rien. Les juges seront de son côté. Mais est-ce qu’il me ferait ça ? Est-ce qu’il en serait capable, après tout ce que nous avons vécu ensemble ? Oui, il en serait capable, je pense en regardant Julia qui dort. Il a le droit de connaître sa fille, parce qu’il a perdu six ans de vie avec elle. Il voudra la voir grandir... Quoique. Les mots qu’il a dits au restaurant me reviennent. Il faut tourner la page... Est-ce qu’il me laissera Julia pour justement tourner cette page du passé et se concentrer sur son bonheur avec Amelia ?

- Zut, je n’ai pas pris mes clés, et Raphaël n’est pas encore arrivé, peste Émilien. Tu peux sonner, Lia ?

- Mais qui va nous ouvrir ? Tu as dit que...

- ...je devais t’expliquer certaines choses. J’aurai préféré retarder tout ça, mais... Je n’ai pas le choix.

Je sonne. Au bout de quelques minutes, la poignée s’abaisse. La porte s’ouvre sur une femme. Une jolie femme blonde aux yeux couleur océan. Elle a un visage doux, mais ses yeux son cernés. Alors que nous entrons, elle m’adresse un doux sourire.

- Bonjour, Ophélia.

- Bonjour...

- Je m’appelle Amelia.

Je me fige. C’est la fiancée de Raphaël..., me dis-je lorsque Émilien prend délicatement la jeune femme par la taille.

- Ophélia, je te présente Amelia. Ma femme.

Je reste bouche bée. Mais...Raphaël m’a dit qu’Amelia était sa fiancée... Il n’y aurait pas deux Amelia, tout de même ?! Mon frère interprète mal ma stupeur.

- Oui, Lia. Je me suis mariée il y a deux ans. Amelia vient de revenir en France. Elle était hospitalisée aux États-Unis. Et...

La porte derrière nous claque avec fracas.

- ...Émilien l’a ramenée, retentit la voix de Raphaël. C’est pour ça qu’il est parti quelques jours.

Je me tourne vers lui.

- Tu m’as menti, je murmure.

Ses yeux verts se plongent dans les miens.

- Oui, Ophélia. Je t’ai menti.

- Mais pourquoi ?

- C’est fini, ces messes basses, Raphaël ?

Je me tourne vers mon frère. Amelia pose une main sur son bras.

- Allons coucher cette petite fille, mon chéri.

Elle nous adresse un clin d’œil et monte l’escalier derrière Émilien, qui se tourne une demi-seconde vers nous pour fusiller Raphaël du regard.

- Tu as intérêt à rester ici. Je reviens très vite...

Je sens que Raphaël va se faire réprimander assez sévèrement par mon frère...

- Ophélia, viens avec moi. Allons dans un endroit calme pour discuter. Je crois qu’on en a bien besoin, tous les deux.

Je remarque que ses yeux à lui-aussi sont cernés. Il semble n’avoir pas dormi depuis plusieurs jours. Soudain, je songe qu’il n’y a plus d’obstacles entre nous. Il n’est pas fiancé. Il ne l’a jamais été. Il m’a menti, mais pour quelle raison ?

******

Il fait déjà presque nuit lorsque nous arrivons aux abords d’un petit restaurant. C’est ce que j’aime avec Raphaël : même s’il a de l’argent, il reste un homme « normal ».

Un homme et une femme dînent au restaurant. Lui et moi. Nous. Il y a six ans, Raphaël et moi étions un « nous ». Est-ce que nous le serons à nouveau ? L’espoir m’a envahi, et il ne me quitte plus. Il s’accroche à moi. Mais si jamais cet espoir se brise en morceaux, je ne suis pas certaine de m’en sortir.

- Pour deux personnes ?

- Oui, répond Raphaël.

- Suivez-moi.

Le serveur nous désigne une petite table près de la large baie vitrée donnant sur un petit jardin, au fond du restaurant. Il n’y a presque personne dans ce coin-là. Au moins, nous pourrons discuter en paix, et nous ne serons pas dans le passage.

J’accroche mon manteau sur le dossier de ma chaise et pose mon sac à main dessus avant de m’asseoir. Mes mains tremblent. Ce sera ce soir. Ce soir, je vais lui parler de Julia. De notre fille.


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Merci de lire cette histoire, merci du fond du cœur à tout le monde, vous êtes tous /toutes formidables !!! ❤️❤️❤️

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