Chapitre 39

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« Allez Aeri, tue-moi, qu'est-ce que tu attends ? »


Alors que l'onde de choc de ses paroles me submerge, je revis dans ma tête chaque moment passé en sa compagnie depuis notre rencontre. Les souvenirs défilent, chacun prenant une teinte nouvelle à la lumière de cette révélation déchirante. Le moment où il avait vidé sa fiole à l'auberge, son absence mystérieuse chaque fois que je me réveillais, son comportement étrange lorsque nous avions partagé un verre dans la chambre... Tout devient soudain clair. Les signes étaient là, mais j'avais choisi de les ignorer, aveuglée par ce que je voulais voir en lui. Une vague de culpabilité m'envahit, me faisant réaliser à quel point j'avais été naïve.


« Personne ne tuera personne ce soir ! Maintenant Elowen, défait lui ses liens, il n'est pas dangereux ! Et il n'est certainement pas stupide au point de chercher Aeri, n'est-ce pas Thoran ? » Ma voix sonne plus ferme que jamais, presque autoritaire.


Je me penche en avant pour reprendre mon souffle, tant je suis énervée. Je refuse de voir ma famille se déchirer ainsi sous mes yeux, de voir les liens si forts que nous avons construits déjà se déliter.


« J'aimerais que tout le monde se calme, s'il vous plaît, » je lance d'une voix tremblante, cherchant à apaiser les tensions qui embrasent l'assemblée. Mes yeux se posent sur Thoran, et je ressens un mélange de tristesse et de déception en le voyant dans cet état.


« Regardez-le, il n'a pas changé ! Et toi, Thoran, tais-toi ! Arrête de demander à Aeri de te tuer. Je vous aime tous les deux, je vous aime de tout mon cœur. »


Les larmes coulent sur mes joues, témoins de ma douleur et de ma détresse face à cette situation.


« Maintenant, j'implore tout le monde de se calmer et de réfléchir à une solution pour le sortir de là. Je refuse de croire qu'il n'existe aucune solution, et je refuse de te perdre, Thoran. »


Elowen lance un regard perplexe à Aeri comme si elle hésitait.


« Si je comprends bien, » répond la chaman, « tes métamorphoses ont commencé à ta puberté, Thoran ? » Ce dernier acquiesce d'un hochement de tête.


« Et parmi tous les guérisseurs que tu as vus, personne n'a trouvé une potion ou un sort pour que tu retrouves ta forme d'origine ? » Elle demande pour clarifier.


« C'est exact, » répond le guerrier.


« Si tu nous as dit la vérité, cela signifie que tu n'es pas victime d'une malédiction, mais que c'est simplement ton corps qui reprend la forme de tes origines paternelles. Étant donné qu'aucun sang-mêlé ne survit, trouver une solution va être difficile. C'est déjà étonnant que tu aies survécu 38 années. »


« Et dans la bibliothèque des montagnes, Elowen ? J'ai vu des milliers d'ouvrages qui semblaient être vieux de plusieurs siècles. » Une nouvelle lueur d'espoir m'envahit à cette idée.


« Oui ça pourrait marcher ! Mais la bibliothèque est à six heures de marche, et cela nous fait perdre du temps pour ta propre malédiction », dit Elowen.


« Je peux t'y emmener », répond Aeri. « Mais c'est hors de question que je laisse Yuna seul avec lui. »


Je suis soudainement prise d'une colère monstrueuse.


« Je ne suis pas une enfant, Aeri, et j'aimerais qu'on arrête de me traiter comme tel. Je suis certaine qu'Elowen connaît un sort pour me protéger au cas où Thoran se transforme à nouveau. Ça me laissera le temps de chercher une trace du pendentif dans ses livres. »


« Quel pendentif ? » demande Thoran. Il me vient soudainement à l'esprit qu'avec tout ce qui s'est passé récemment, nous n'avons même pas informé les garçons.


« Je vous expliquerai plus tard, mais en gros, nous avons découvert que le talisman dont parle la prophétie est un pendentif », répondis-je. Aeri et Thoran me regardent d'un air songeur, tandis qu'Elowen semble épuisée de l'effort pour contenir Thoran avec sa magie.


« Bon, il faut que vous y alliez, le temps presse, s'il vous plaît », j'insiste. Je m'approche d'Aeri, espérant que notre connexion profonde ne s'est pas brisée avec les paroles haineuses que nous avons échangées. Je pose doucement ma main sur sa joue et le caresse.


« Ne t'en fais pas pour moi, je t'en supplie, aie confiance. Je connais Thoran, je n'ai pas peur de lui, s'il peut rester quelques heures sous sa forme Fae. » Aeri pose sa tête un peu plus lourdement sur ma main et me regarde tendrement.


« Bien sûr que j'ai confiance en toi, Aëndir. J'ai juste peur, peur qu'il t'arrive quelque chose. » Une émotion monte en moi, je m'en veux d'avoir été si froide avec lui, de lui avoir parlé ainsi.


« Je crois en mon instinct, je sais que je ne risque rien avec lui », je déclare, me tournant ensuite vers Elowen pour obtenir son approbation.


« Oui, bien sûr. Avec la dose d'éclat de Lysaria que je lui ai donnée, Thoran devrait rester stable au moins une semaine. Mais cela ne sera pas définitif, et étant donné que cette fleur est des plus rares, il faut que l'on trouve une autre solution durable au plus vite », explique-t-elle, se tournant ensuite vers le guerrier avec empathie.


« Je te crois, Thoran. Je sens la bonté de ton âme. Pardonne-moi d'avoir douté de toi. Et je suis désolée que tu aies dû vivre ainsi toutes ces années, seul », lui dit-elle sincèrement.


Thoran baisse la tête pour la remercier et me regarde avec un léger sourire.


« Ne te sens pas obligé de rester à mes côtés, ma canaille. Je vous demande beaucoup, et je sais que j'ai brisé votre confiance », dit-il avec une pointe de tristesse dans la voix.


Je m'éloigne d'Aeri et pose ma main sur son bras, lui montrant mon soutien.


« Non, tu es notre famille, mon ami, et je ne t'abandonnerai pas », je déclare avec conviction. Puis je me tourne vers la chaman.


« Elowen, s'il te plaît, détache-le. »


À mes mots, Elowen semble surprise, comme si elle avait oublié que Thoran était ligoté. Elle rappelle ses lianes de lumière blanche, libérant ainsi mon ami. Thoran tombe au sol, épuisé, et je m'approche pour l'aider à se relever.


« Va t'installer à l'intérieur, Thoran. J'arrive. »


Il s'exécute, se déplaçant du mieux qu'il peut. Je regarde Aeri et Elowen et leur souris.


« Allez-y, tout va bien se passer, ne vous inquiétez pas. Et puis, avec la vitesse à laquelle tu voles, Aeri, vous serez de retour avant le lever du soleil. »


Aeri semble douter, mais il ne dit rien, me regardant songeur. Puis Elowen le regarde, lui sourit comme s'il lui avait parlé en pensée à elle seule. La chaman s'installe sur son dos et sans un mot, ils me laissent là.


Je reste là, devant la maison, regardant mes amis s'éloigner à contrecœur. Une part de moi est rassurée de les voir agir avec détermination pour trouver une solution à nos problèmes, mais une autre part est remplie d'inquiétude quant à leur sécurité et à ce qui nous attend. Je me sens un peu seule maintenant, mais je sais que je dois rester forte pour Thoran et pour nous tous. Je respire profondément, me préparant mentalement à affronter les défis à venir.


À cet instant, je ressens un mélange d'émotions. D'une part, il y a de l'anxiété à voir mes amis partir dans une situation aussi incertaine, mais d'autre part, je ressens aussi une pointe de soulagement, sachant qu'ils font ce qu'il faut pour trouver une solution à notre problème. Je suis également remplie de gratitude envers Aeri et Elowen pour leur détermination à nous aider. Mais surtout, je suis déterminée à rester forte et à soutenir Thoran pendant leur absence. A cette pensée, j'entre dans la maison, déterminée.


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