Chapitre 13

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Une fois que j'ai repris mon souffle, je tourne la tête dans la direction où le Driffon avait regardé. À quelques pas de là, je vois Thoran qui me regarde, choqué.


« Comment as-tu fait ? » me demande-t-il. « Tu sais manier le vent ? »


Je comprends qu'il parle des feuilles qui bougent tout autour de moi. J'espère qu'il n'a pas remarqué la présence de mon ami ailé quelques instants auparavant.


« Mais non idiot, c'était certainement la formation d'une mini tornade. »


« C'est étrange dans une forêt, » dit-il, paraissant songeur. « En tout cas, tu as vraiment mauvaise mine. Je trouvais que tu mettais beaucoup de temps à ramasser des branches, alors je suis venu voir si tout allait bien. Est-ce le cas, jeune fille ? »


« Oui, merci, » lui réponds-je. « Et arrête de m'appeler Jeune fille ou Mademoiselle. Ma mère m'a donné un nom à ma naissance, ce n'est pas pour qu'on ne l'utilise pas. »


« Je suis tout à fait d'accord avec toi, mais tu ne me l'as toujours pas dit, » réplique-t-il.


Je me sens bête, mes joues commencent à rougir.


« Je suis Yuna Lusenwel, » lui dis-je.


« Et bien enchanté, Yuna Lusenwel, je suis Thoran Magdawo, à votre service, » dit-il en faisant une révérence.


Je rigole à ce geste absurde et lui dit : « Viens, allons préparer ce feu. »


Quand Thoran et moi arrivons à la grotte, je suis surprise de voir le travail qu'il a accompli. Il a construit des lits en un temps record, utilisant des brindilles et de la paille pour créer des bases solides. Sur ces bases, il a disposé des matelas de mousse qui semblent incroyablement moelleux et confortables, malgré leur simplicité. Je remarque aussi quelques touffes d'herbes séchées disposées çà et là pour ajouter un peu de douceur supplémentaire. Je suis heureuse que nous ayons échangé les tâches, j'aurai été incapable de construire des lits de fortune si aisément.


« Waouh ! Et bien, tu m'impressionnes, je ne pensais pas dormir sur un tel lit ce soir, » dis-je presque en sifflant d'admiration. Cela m'impressionne qu'avec de si grandes mains, il ait réussi à construire de telles paillasses. Il me regarde avec un petit haussement de sourcils, comme pour me dire « Bah quoi, » ce qui me fait rire.


« Par contre, j'aimerais que tu ne t'approches pas trop de moi, car tu sens vraiment fort la poiscaille ! » me dit-il.


J'éclate de rire, me sentant un peu gênée. Au moins, ça m'assure qu'il ne tentera pas de me tripoter pendant la nuit.


« J'ai eu un peu de mal à attraper un poisson, » je lui mens.


« Ne te justifie pas, » me répond Thoran. « Nous essaierons de trouver un point d'eau demain matin pour nous laver. »


Pendant que Thoran prépare le feu, je prends quelques provisions dans mon sac. Je coupe des morceaux de pain avec mon couteau et les tartine de fromage de chèvre. Je dépose quelques petits morceaux de viande séchée par-dessus et lui en tends un.


« Non, ma jolie, garde ta nourriture pour toi, » insiste-t-il.


Je lui explique que c'est pour le remercier de m'avoir rapporté ma besace. Thoran me remercie en inclinant la tête, agrémenté d'un sourire gêné.


« Je te remercie, je meurs de faim. Te trouver n'était pas si simple que je l'avais pensé. » me dit-il.


Il m'observe avec un air de malice dans les yeux et dévore sa tranche de pain.


« C'est délicieux, merci » me dit-il tout sourire.


Je trouve qu'il a un visage charmant et il semble sincèrement être quelqu'un de bien, je me demande pourquoi le Driffon m'a dit de me méfier de lui.


Puis nous mangeons silencieusement notre repas, n'entendant que le crépitement du feu qui résonne dans la grotte.


Ça faisait une éternité que je ne m'étais pas sentie aussi légère. Les événements des derniers jours ont été si tourmentés, si empreints de tristesse et de confusion. Je pense à Elyia, à sa maladie qui l'a emportée si rapidement, à son départ précipité dans l'au-delà. Les souvenirs de nos rires et de nos conversations me reviennent en vagues d'émotion. Puis, il y a cette conversation étrange que j'ai surprise entre ma mère et Hagan, à propos de notre famille et de cette étrange prophétie qui semble me suivre comme une ombre.


Et puis, il y a le Driffon. Cet étrange être de la forêt avec qui j'ai échangé des pensées. Je réalise maintenant que c'était lui qui m'avait demandé de rester cachée, qui veillait sur moi. Pourquoi, je me demande ? Quelle est la raison qui le pousse à garder un œil sur moi, à part être le gardien de la forêt ? Peut-être est-il là pour veiller sur les âmes égarées comme la mienne.


En repensant à tout cela, je sens enfin un peu de calme s'installer en moi. Peut-être aurai-je enfin droit à une vraie nuit de sommeil, ce que mon corps réclame si ardemment après tant de tourments.


« Thoran, je peux te poser une question ? » Je lui demande alors qu'il s'apprêtait à s'installer sur sa paillasse.


Il hoche la tête en signe d'approbation.


« Pourquoi décides-tu de m'aider ? Enfin je veux dire, n'as-tu pas mieux à faire ? »


Je suis légèrement gênée par ma question et j'espère qu'il comprenne pourquoi je lui demande.


« Oh je ne t'aide pas vraiment, c'est juste qu'en général les gens qui vont dans cette direction, vont vers la capitale. Puis je suis si souvent seul et qu'un peu de compagnie ne me fait pas de mal. » Il s'installe sur le dos, mettant ses bras derrière sa tête, créant ainsi un coussin d'appoint.


« Merci, merci de m'avoir ramené ma besace. Dors bien. » Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase que j'entends déjà ses ronflements. S'il est dans la même situation que moi, il nous faudra une semaine entière pour nous reposer complètement.



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