CRIME SCENE [EN COURS]

5 ♚ Grace.

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 5

♚ 𝚃𝙷𝙴 𝚃𝙸𝙼𝙴 ♚
Édition du 16 mars 2024

« Les participants du Championnat Européen de patinage artistique interrogés par la NCA. »

☆⭒★⭑★⭒☆

GRACE

J'enfile ma paire de lunettes de soleil sur mon nez quand la sonnerie affreuse du lycée retentit. Adossée à un vilain arbre ayant perdu la majorité de ses feuilles, j'envoie un message à mon père, espérant ainsi qu'il se magne et ne me laisse pas poiroter ici.

J'aimerais ne pas avoir affaire à une foule de lycéens cherchant la moindre information sur Agatha Sinclair, ça m'apporterait un problème en moins.

J'aurais préféré un autre moment pour qu'on se voie, mais mon père, avec son boulot de professeur d'EPS, n'est pas vraiment libre lorsque moi, je le suis, ce qui rend nos moments ensembles compliqués à organiser.

Des adolescents commencent déjà à traverser la grande grille noire ouverte par laquelle je suis tant passée à l'époque du lycée. J'aime bien revenir à cet endroit, c'est comme si je pouvais toucher la nostalgie du bout des doigts, et j'ai l'impression d'être réconforté par tous mes souvenirs.

Je me revois, dressé sur mes bottes à talons plats, près des toilettes, à attendre Tara qui ne pouvait pas s'empêcher de s'y rendre à chaque pause.

Je râlais souvent, mais finalement, c'était drôle de me moquer d'elle et sa minuscule vessie.

Près de l'immense grille, qui s'ouvrait tous les matins à sept heures trente, je rejoignais Oscar, qui, parfois, portait mon sac dans un acte romantique.

Très vite, un brouhaha particulier de potins et d'exclamations s'agite dans l'air frais du mois de mars. Les lycéens patientent pour le prochain bus, d'autres partent en direction de la bibliothèque nationale pour réviser, et certains se pressent pour rentrer à pied, par ce temps nuageux.

Mimant d'être sur mon téléphone, pas grand monde ne me prête attention. Il faut dire que dans ma doudoune noire, avec mon bonnet cachant le haut de mon crâne et mes lunettes de soleil, seule ma bouche pourrait être reconnue.

Heureusement, j'aperçois bien vite mon père, frottant ses mains entre elles. Dans sa chemise blanche, camouflé par une veste assez chaude, il s'approche de moi en déposant un baiser sur mon front.

Un sourire étire mes lèvres alors qu'il m'invite à le suivre jusqu'à sa voiture.

— Comment va ma princesse ?, me lance-t-il en arquant un sourcil devant ma dégaine plus que... étrange.

En vérité, si je suis aussi bien camouflée, c'est parce que je crains d'être repéré à chaque coin de rue, et d'être accusée en boucle du meurtre de Sinclair. Depuis que je suis en tendance X pour le hashtag "Grace La Meurtrière", les insultes pleuvent sur les réseaux sociaux, et les théories se font de plus en plus nombreuses, comme s'ils étaient des putains de flics.

Je ne sais pas si je devrais vraiment m'en soucier. Répondre aux rumeurs prouverait que j'ai le besoin irrépressible de me défendre.

Peut-être que c'est le cas.

Tout est flou dans mon esprit, c'est compliqué.

J'en viens à me demander si ce n'est pas ma faute.

J'étais là, après tout. Seule avec Sinclair, dans cette grande patinoire silencieuse, témoin de notre querelle.

Une bouffée d'air chaud vient s'accrocher à moi, je me sens presque étouffée sous toutes ces couches de vêtements.