CHAPITRE V

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     Dans ce contexte, j'aurai dû mourir. Après tout, je suis en compagnie d'un soldat ennemi et moi, je suis seulement une lycéenne. Je suis totalement inutile. Alors je ne comprends toujours pas pourquoi je ne suis pas morte. À la place, il m'a de nouveau attaché. Je ne suis pas si facile comme captive, je bouge trop pour lui. Je suis trop agaçante. Je devrais être morte en ces circonstances mais visiblement la mort ne veut pas de moi. Peut-être que cet homme veut abuser de moi.

  En l'espace de quelques minutes après mon réveil, je pense en avoir la certitude. Cet homme doit avoir environ mon âge. Peut-être plus, mais l'écart n'est pas si large que ça. Je n'ai rien d'autre affaire que de regarder ce qu'il fait. Je ne suis pas doué pour lui échapper, je l'ai bien remarqué. Toutes mes tentatives ont échoué lamentablement. Alors je sèche, je suis complètement désespérée, mon corps se recroqueville et ma tête se pose entre mes bras. Juste histoire de m'abandonner sur mon sort en laissant le temps s'en aller car je n'ai plus d'idée.
Il est taché de cendre. Je peine à discerner sa véritable couleur, mais à quelques endroits je peux discerner sa peau blanche qui met ses yeux bleus en valeur. Ses cheveux blonds sont sales eux aussi, comme les miens. Avant tout ça, je me serai préoccuper de mon apparence. J'aurai chercher à les remettre en valeur pour être la plus belle à mes yeux. Seulement, dans ces circonstances, je n'en ai plus rien à faire. Ça n'a plus de valeur désormais. 

   Je m'interroge soudainement.

   Il fait le lacet de ses bottes pouilleuses et prend son équipement. Je pense que c'est mon moment. Soit il compte m'achever, mais j'en doute, soit il s'en va. Seulement, je me demande pourquoi partir et me laisser ici. A-t-il posé des bombes durant mon sommeil ? Je pouffe de rire en y pensant.

  C'est ridicule.

  Soudain, il se dirige vers moi. J'arrête de rire. Je deviens muette comme une carpe comme si ma bouche était cousue. Je vois davantage ses traits. S'il n'était pas aussi dangereux, j'aurai admis que son visage est attirant, que ses yeux reflètent la beauté d'une âme mystérieuse qui rend ma curiosité aussi vive qu'une flamme. Cependant, dire ça reviendrait à oublier ce petit ange qu'il a tué. Je ne peux pas l'oublier.

  Je sursaute, une bouteille d'eau est tendue dans ma direction alors que mon cœur a failli vriller. Je lève le regard et je croise le sien. Ils ne se quittent plus comme si l'on communique par la pensée et j'ai bien peur que ça fonctionne. Je remarque bien qu'il veut que je bois dans cette bouteille. Seulement, il a peut-être mis un poison. Je suis en ébullition. C'est le stress total, la peur qui s'installe dans tout mon corps.

  Je détourne la tête.
  Je l'entend soupirer et baragouiner dans sa langue natale. Par curiosité, je me mets à doucement le regarder du coin de l'œil. Mes joues rougissent à la vue de sa pomme d'Adam lorsqu'il boit le contenant de sa gourde.

  Je déglutit aussitôt pour chasser de ma tête ces pensées qui ne doivent pas naître en moi.

  Soudain, mon visage est rabattu vers lui, ses doigts sous mon menton qui me forcent à ouvrir la bouche ensuite avec son index posé sur ma lèvre inférieure. Puis sans rien comprendre, quelque chose se dépose sur mes lèvres suivie d'un liquide qui descend dans ma gorge.

  Mes yeux sont grands ouverts et mon cœur tente de passer la barrière de ma cage thoracique pour bondir hors de ma poitrine. À l'instant même où j'avale, je me débat en secouant la tête dans tous les sens.

   De toute ma vie, mon imagination n'a jamais cessé de créer des scénarios de premier baiser. Digne des séries, des films à l'eau de rose mais jamais ma tête, mon esprit tout entier n'a envisagé l'idée d'être embrassé de force par un soldat. Juste pour me faire boire. C'est d'ailleurs la première fois que ma langue en touche une autre. C'est une sensation étrange. J'oublie l'âme de survivante, l'adolescente frivole revient pour peinturer mes joues en rouge.

  Je ne m'y attendais pas. Il m'a forcé à boire. Pas de n'importe quel manière en plus. Avec un baiser. Un baiser ! Si j'avais avancé ma langue, si elle n'avait pas été braquée, j'aurais pu sentir la sienne bien plus longtemps. Et j'ai tout avalé, je ne peux même pas le lui cracher en plein dans le visage. Quelle idiote.

  Je le vois s'essuyer la bouche, que je ne cesse de fixer maintenant. Heureusement, il ne me regarde pas. Par contre, je vais avoir du mal à calmer mon cœur. Soudain, il se tourne d'un coup sec face à moi, me regarde droit dans les yeux. Et ce qui m'agace, ce que je n'arrive pas à discerner la moindre rougeur sur ses pommettes. Il n'y a que moi et je me sens terriblement seule.

  C'est la honte.

  Il hésite en gesticulant bizarrement puis il finit par me faire des signes avec ses mains. Lui. La porte. Marcher. Porte. Donc, si je comprends bien, il compte partir puis revenir ? Je le regarde et hoche la tête.

  Je masque mon sourire lorsqu'il se retourne pour me laisser apercevoir son dos. C'est mon moment cette fois-ci ! Je le sens, la liberté m'attend !

  Lorsque je le vois partir, c'est un véritable soulagement, un havre de paix qui m'enveloppe. C'est presque le bonheur absolu.

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