Le nouveau travail

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Avarice laissa à Vanité le temps d'apprécier sa nouvelle vie de femme mariée. Lui trouver un travail n'était pas urgent, trois salaires contribuaient déjà au bon fonctionnement de la maisonnée. Et puis, Avarice avait quelques réticences à laisser Vanité sortir de la maison, c'était une très belle femme et elle ne voulait pas qu'on le regarde trop, qu'on la désire trop. Elle avait envers elle une jalousie et une possessivité qu'elle n'avait pas pour les autres, pas même pour Luxure. Elle n'acceptait ni les regards insistants ni les remarques salaces de la part des hommes de la Communauté.

Un après midi, pour soulager Gourmandise de la corvée des courses de dernière minute, Avarice et Vanité s'étaient rendues à la supérette de la Communauté. Vanité entra fièrement, sa liste de course à la main pendant que son épouse finissait sa cigarette. Elle vit quelques couples l'observer et s'éloigner aussitôt qu'ils remarquaient son alliance. Elle se rendait à la caisse avec dans son cabas une plaquette de beurre, quelques carottes et des yaourts nature.

- Bonjour monsieur, dit-elle gaiement en sortant ses affaires.

- Bonjour mam'zelle !

Vanité marqua un léger temps d'arrêt : le ton de cet homme n'avait rien d'amusant.

- J'ai certainement dû mal entendre, tonna Avarice qui venait d'entrer.

Elle s'approcha de Vanité et passa une main possessive autour de sa taille.

- Pardon madame, reprit l'homme à présent penaud. Je ne voulais pas manquer de respect à votre épouse.

- Auriez-vous l'amabilité de nous encaisser ?

- Bien sur madame.

Les deux femmes ressortirent du magasin main dans la main et prirent le chemin de la maison.

- Wahou.

- Wahou quoi, chérie ?

- Alors ça fait ça d'être mariée ici.

- Est-ce que ça t'a plu ?

- On te respecte, murmura-t-elle. Et ça c'est cool.

Avarice sourit en serrant tendrement ses doigts entre les siens. Il lui arrivait parfois de se rappeler que Vanité était sa cadette de presque dix ans et que par conséquent, elle avait le vocabulaire d'une jeune femme dans la vingtaine alors qu'elle-même avait dépassé les 30 ans.

- Il y avait du monde à notre mariage, fit Vanité en arrivant devant la maison. N'est-ce pas ?

- Oui. Bien plus qu'à mes précédents mariages.

- C'est une bonne chose, hein ? Nous ne seront peut-être plus des parias.

- C'est une bonne chose. Il faudrait seulement que les mentalités changent un peu plus vite.

Vanité approuva en hochant la tête, incapable d'imaginer l'enfer que son épouse avait vécu avant d'en arriver là.

- Nous sommes une des familles les plus nombreuses, maintenant, non ? Fin je veux dire, en nombre d'épouses, pas d'enfants.

- En effet, je suis une de ceux qui a épousé le plus de femmes.

- Je crois que je suis fière de ça. Est-ce que c'est étrange ?

- Pourquoi ce serait étrange, chérie ?

- Parce que je ne suis pas née ici. Je suis née dans une famille...

Vanité allait dire « normale » mais elle se rendit compte qu'elle allait blesser son épouse avant même que ses paroles ne franchissent la barrière de ses lèvres. Elle se reprit avec douceur :

Vous ne pouvez pas forcer une personne à vous aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant