Flocon d'Étoile

Chapitre 20 - Une Lune bien cruelle

Marcus n'avait jamais été le plus croyant des loups.

Pourtant, si l'on s'en fiait à ce que racontaient les prêtres lunaires, il devait à la Lune tout ce qu'il était et tout ce qu'il possédait. D'abord, c'était elle qui avait décidé de sa naissance. Sans l'intervention de la Lune, il ne serait pas de ce monde. Et sans elle, il ne serait pas amené à devenir Grand Alpha. Elle avait choisi de faire de lui un loup du Diamant, et non du Saphir.

Elle avait également décidé de lui enlever sa mère, alors que celle-ci avait tout juste vingt-trois ans.

Peut-être était-ce pour cette raison qu'il n'avait jamais porté beaucoup d'intérêt à celle que certains considéraient comme une déesse. Elle pensait sûrement que lui attribuer la plus riche famille de la Terre des Loups constituait un cadeau suffisant, mais elle se trompait.

Si elle avait voulu obtenir sa dévotion, elle aurait fait des choix bien différents.

Mais à présent, Marcus se surprenait à remettre en cause ses convictions. La Lune le punissait-elle pour son manque de piété ? Lui causait-elle des problèmes pour le rappeler à l'ordre ?

Il était prêt à se repentir. Depuis quelques jours, il adressait une prière à l'astre argenté chaque soir. Il avait aussi acheté un livre qui se vantait d'expliquer comment honorer la Lune avec la ferveur qui lui incombait.

Et désormais, il se rendait même dans un temple, afin de communier avec d'autres fidèles.

— Franchement, ce que tu ne nous fais pas faire, marmonna Julian en traînant la patte. Tu crois vraiment qu'assister à une messe de deux heures va sauver notre cause ?

S'il existait encore moins croyant que lui, c'était bien Julian. Il partageait la mentalité de leur père, qui ne s'intéressait quasiment pas à leur religion. Un comble, pour un Grand Alpha. D'ailleurs, peut-être que la Lune prenait sa revanche.

— Pour le moment, c'est la seule chose que nous pouvons faire. Et par la même occasion, cela nous permettra de montrer à notre peuple que malgré les bouleversements de notre monde, nous continuons à placer notre foi entre les mains de la Lune.

Il ne croyait pas ses propres mots. Danila, qui les suivait sur le sentier qui menait au temple, ne se gêna pas pour lui faire remarquer son hypocrisie :

— Je ne crois pas que se rendre à une messe en ayant autant d'arrières-pensées permette vraiment d'obtenir les grâces divines...

Il ne se retourna pas et continua d'avancer d'un bon pas.

— Et je ne suis pas sûr que les prêtres lunaires seraient ravis d'apprendre qu'ils officient devant deux ex-vampires.

Il devinait sans mal que Danila devait avoir envie de l'étrangler. Et il l'aurait peut-être mérité, vu la bassesse de sa remarque. Comme Duncan marchait deux pas derrière eux, en compagnie de Lyssandra, il ne l'avait sûrement pas entendu.

Ils avaient quitté le village qu'ils venaient de visiter à dix-neuf heures trente et arrivèrent au temple avant vingt heures. Ils auraient pu emprunter leurs carrosses pour gagner l'édifice, situé un peu à l'écart de la cité, mais la marche méditative faisait partie intégrante de la messe lunaire. Les personnes qui se déplaçaient difficilement pouvaient bien sûr utiliser un véhicule. Néanmoins, pour les autres, il valait mieux affronter le froid et venir à pied, tout en se préparant à être en paix avec son esprit.

Marcus avait tenu à faire les choses correctement, quitte à dépêcher une dizaine de gardes pour les escorter.

Le temple qui leur apparut au sommet d'une petite colline était de forme pyramidale. Plongé dans l'obscurité du crépuscule, seules quelques torches permettaient d'en distinguer l'entrée. Il semblait avoir été bâti en une pierre grise très sombre, à moins que ce ne fût le fruit de l'humidité. La lumière de la lune venait étinceler sur une flèche argentée, fixée au sommet de la pyramide.