Amour Éphémère (Attal x Bardella)

8.

Leurs lèvres se détachent et Gabriel se recule. Jordan a les yeux fermés et le visage crispé, comme s'il attendait que Gabriel assène le coup. Il est prêt, ses défenses sont baissées et il prendra ce que Gabriel lui donnera. Même si cela lui laisserait une marque, sur la joue et sur le cœur. Il est prêt.

Mais quand rien ne vient, son cœur se serre et il se défait de ses pensées vagabondes.

"Vous allez encore agir comme si rien de tout ça n'était arrivé ?" il demande un goût amer dans la gorge.

Ses paupières s'ouvrent et lorsqu'il tombe sur le visage du premier ministre, ses traits sont tirés et ses sourcils froncés. Il semble blessé par les paroles de Jordan. Le brun de ses yeux est brillant et semble embué par une émotion destructrice.

Attal secoue la tête rapidement et c'est à son tour de fermer les yeux, retenir les larmes qui présagent de couler. Sous ses paupières, l'eau salée s'accumule et le ras de marée menace de tout emporter avec lui. Il secoue la tête plus fort et Jordan meurt d'envie de le tenir, de lui dire que tout ira bien.

"Si c'est ça que vous pensez de moi... alors vous pouvez partir" avoue Gabriel d'un ton accusateur mais sa voix trahie ses ressentiments. Elle est faible et tremblante.

Jordan veut parler, il veut avouer mais sa voix reste bloquée dans sa gorge et ne franchit jamais la barrière de ses lèvres.

Gabriel ouvre les yeux et la marée qui n'a pas eu le temps de redescendre fait couler les larmes en cascade sur son visage. Leur regard se tient et le premier ministre renifle, prêt à asséner le premier coup, les paroles blessantes et pleines de venin.

Il n'a pas le temps de dire quoique ce soit que les lèvres de Jordan se retrouvent sur les siennes. Le baiser a le goût salé de la tempête qui a balayé Gabriel. C'est un baiser d'une promesse secrète, d'une promesse qui fait avancer les aiguilles du temps plus vite, qui fait sonner l'horloge de leur âme. C'est une promesse sur un chemin semé d'embûches, une promesse incertaine. Mais une promesse quand même.

Jordan se recule et son regard est désolé. Gabriel n'arrive pas à déchiffrer le message derrière ses yeux brillants. Rien n'est dit par la parole mais tout est dit dans les actes. Ce n'est pas terminé. Ça ne fait que commencer.

La porte se ferme derrière Bardella et les larmes reviennent comme un cataclysme aux yeux de Gabriel. Il ne tente même pas de les retenir.

Parce que ses émotions sont mélangées, ses sentiments incompréhensibles, son cœur blessé. Le chevalier a été désarmé et la bombe amorcée. Il n'y a plus qu'à attendre l'explosion.

Jordan sort de l'immeuble et l'orage éclate. Il gronde dans le ciel, éclaire la noirceur de la nuit par sa foudre qui s'abat sans répit sur la ville.

Bardella a toujours eu du mal à montrer ses émotions, à les laisser s'évader mais à cet instant, elles s'évaporent dans l'air en même temps que le tonnerre gronde. La météo peint ses états d'âme les plus enfouis, qu'il ne laisse jamais éclater au grand jour.

La pluie s'abat sur la capitale. Les gouttes lui fouettent le visage et ruissellent sur ses joues, se mélangeant aux larmes que ses yeux ne peuvent plus contenir. Parce que ce qu'il ressent — ces sentiments même s'il ne l'assumera jamais — pour Gabriel est plus profond que ce qu'il ne pensait. Il ne comprend pas ce qui lui arrive, ne comprend pas les réactions de son corps, de son cœur. Parce que même si Jordan ne s'est jamais posé la question, Gabriel reste un homme. Et Jordan n'a jamais ressenti quoique ce soit pour un homme. Alors c'est difficile pour lui, toutes ces nouvelles sensations.

Il est sur le trottoir, sous la pluie battante. Il a l'air d'un fou, avec son visage noyé par des larmes qui ne se méprennent pas avec l'eau que déverse le ciel. N'importe qui pourrait savoir que ce sont des pleurs sur ses joues, les sillons qui glissent sur sa peau, comme un fleuve puissant et infranchissable en sont la preuve. Ses yeux sont rouges et les sanglots qui le frappent de force font trembler son être.