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"La question c'est quand est-ce que vous mentiez, c'était à l'époque ou c'est aujourd'hui ?" le regard de Gabriel est accusateur, et ses traits sévères. Jordan pense que le débat est un jeu, que c'est celui qui aura la meilleure punchline à sortir qui l'emportera. Et cela a don d'énerver le premier ministre.

"Oh, restez élégant monsieur Attal" intervient Bardella, le regard défiant.

"Est-ce que vous pouvez au moins répondre à cette question ?"

"Non mais, restez élégant monsieur Attal" il répète, un sourire aux lèvres et le regard perçant.

Et c'est ainsi que s'est déroulé le débat à la suite de leur altercation dans la loge. Bardella semblait déterminé à lui renvoyer la balle et à faire mal là où il le pouvait. Gabriel tentait de ne pas le prendre personnellement mais la tâche n'était pas simple quand les regards que lui jetaient Jordan semblaient si privés et personnels.

Plusieurs semaines sont passées depuis leur dernière rencontre privée. Le premier ministre et son opposant, le président du rassemblement national, ne se sont pas revus depuis, si ce n'est sur les plateaux télévisés. D'autres débats ont eu lieu. Contre le Nouveau Front Populaire, contre le Rassemblement National, et le premier ministre maintenait ses positions, travaillait sans relâche pour faire entendre ses valeurs. Lorsqu'il était en débat avec Bardella, les sourires et les regards ne pouvaient être dissimulés et donnaient lieu à toujours plus de vidéos sur les réseaux, d'histoires farfelues écrites de la main des internautes.

Le premier tour des législatives approche à grand pas désormais et Gabriel prépare son prochain débat contre Jordan, le dernier qui peut faire peser la balance en sa faveur. Parce que les sondages n'annoncent rien de bon et qu'il ne peut pas laisser passer l'extrême droite. Cela fait plusieurs jours qu'il travaille dessus sans relâche, ses nuits écourtées par son travail.

Ce matin quand il a ouvert les yeux, son regard est tombé sur une pile de document déposée sur son bureau. C'est la lumière du soleil qui passait par la grande fenêtre de la pièce qui l'a réveillé, sa chaleur s'écrasant sur son visage. Il a constaté qu'il s'était endormi et avait passé la nuit ici.

Passant une main sur son visage pour retirer toute trace de fatigue, Gabriel se lève et s'étire. Il va se chercher un café et retourne à son bureau parce que la guerre est loin d'être terminée et qu'il doit être prêt à affronter l'ennemi.

En entrant dans la pièce, son regard tombe sur le miroir et le reflet que lui renvoie la glace lui envoie des frissons dans le dos. Il ne se reconnaît plus, ses cheveux sont grisaillants, les cernes sous ses yeux peuvent accueillir un bateau de guerre, et les traits de son visage sont tirés et creusés.

Il détourne les yeux et se laisse tomber sur sa chaise. Gabriel ferme les yeux un instant et laisse le soleil apaiser ses craintes, s'insérer sous ses pores, éclairer ses incertitudes. Il va y arriver, il doit y arriver. Il s'en est donné les moyens et les efforts payent toujours. Il trouvera le temps de se reposer plus tard, quand la vie le lui permettra.

Gabriel se remet donc au travail, il cherche les preuves à ses arguments, des failles à explorer chez ses adversaires.

Le plateau est prêt pour accueillir les politiciens. Des réglages lumières sont effectués, et les hommes peuvent prendre place. Gabriel s'installe derrière le pupitre à son nom tandis que Bardella arrive, fière, les épaules droites, et s'installe derrière celui d'en face.

"Marine Le Pen n'était pas contre, elle appelait à sécuriser..." Jordan le coupe dans sa phrase.

"Je vous laisse moi, à chaque fois, vous exprimer sans vous interrompre" déclare Gabriel, un petit sourire sur le visage, se remémorant un débat très similaire à celui-ci.

"Je vous en prie" confie Bardella en laissant le premier ministre terminer son discours.

Et le débat se déroule tout du long dans une atmosphère calme et amicale, contrairement à ce que leur parti opposé, et leurs opinions sur les sujets abordés pourraient laisser penser.

Il est dix-neuf heures. Le soleil est en train de decliner dans le ciel, donnant lieu à une peinture magnifique de dégradés de couleurs.

Gabriel vient de sortir de son travail, et il peut enfin rentrer chez lui.

Passant finalement le pas de la porte, un poids se défait de ses épaules. Ça fait du bien d'être chez soi. Mais aussitôt arrivé qu'une petite terreur noire accourt à ses jambes. Ses longs poils doux se frottent et s'accrochent à son pantalon et il s'abaisse à son niveau.

"Coucou ma fille, comment tu vas ?"

La chienne se remue dans tous les sens, sa langue sortant de sa gueule. Elle saute sur ses genoux et il tombe en arrière. Son rire résonne contre les murs de la pièce vide.

"Mais oui Volta, moi aussi je suis content de te revoir."

Il se redresse et Volta le suit à la trace, collée à ses pieds.

"T'as pas fait de bêtises ?" il demande sans attente de réponse.

La chienne le regarde, sa langue pendant et ses yeux ronds et s'assoit. Gabriel rigole de nouveau et lui caresse la tête.

"C'est bien ma Volta, tu veux une récompense pour avoir été sage ?"

La chienne remue la queue et se redresse immédiatement à l'entente du mot.

"Viens, je vais te donner ça."

Après avoir donné la sucrerie à sa chienne, Gabriel se faufile dans sa chambre pour changer de vêtements. Parce que promener son chien en veste de costume n'est pas coutume et qu'il ne souhaite pas attirer les regards.

Une fois changé dans des vêtements de ville, Gabriel retourne au salon. Volta est dans son panier en train de dévorer sa friandise. Il sourit. En attendant qu'elle termine de manger, Gabriel s'accorde une pause. Il se laisse tomber dans le canapé avec un lourd soupire.

Et sans son accord, ses paupières lourdes finissent par se fermer et il tombe dans un sommeil profond, s'abandonnant aux bras de Morphée qui l'attendait.

Amour Éphémère (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant