Chapitre 2

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La tête appuyée contre la vitre, j'observe la ville en contrebas.

Quand j'ai repris mes fonctions il y a cinq mois, j'étais une coquille vide qui pensait pouvoir gérer la situation par la seule force de sa volonté. Je me suis repliée sur moi-même, me plongeant tête baissée dans le travail, persuadée que cela me permettrait d'oublier. De l'oublier.

Quelle erreur !

Une bombe à retardement menaçait d'exploser, et je n'ai rien vu venir.

Mes journées se constituaient de réunions et de projets à mener à bien. Je vivais pour le travail, refusant obstinément de prendre des pauses, même lorsque c'était nécessaire. Nathan essayait tant bien que mal de me prouver que ses intentions étaient nobles, mais il m'était difficile de faire à nouveau confiance. Aussi, je rejetais systématiquement ses tentatives d'approche, convaincue que personne ne pouvait comprendre ce que je traverse. Les pauses déjeuner qu'il me proposait, les soirées qu'il tentait d'organiser pour me changer les idées, tout cela me semblait inutile, une perte de temps. Accepter son aide diminuait mes résolutions. Alors je m'isolais, mes collègues devenant de simples silhouettes que je croisais au détour d'un couloir.

Valider mon master était ma priorité. J'avais placé tant d'espoir dans ce diplôme que quand je l'ai finalement obtenu, avec une moyenne de 16,7, cela m'a paru insignifiant au vue des attentes démesurées que je m'étais fixée.

Rien ne pouvait combler le vide que je ressentais. La pression que je m'imposais était telle que je finissais mes journées épuisée, mais incapable de trouver le repos. Les nuits étaient courtes, peuplées de cauchemars qui illustraient parfaitement mon impuissance. Je noyais mes angoisses sous des montagnes de dossiers, et plus je m'efforçais d'oublier, plus les souvenirs remontaient à la surface.

Malgré tout Nathan ne baissait pas les bras. Il ne cessait de me proposer son aide, de me tendre la main.

Mon parcours professionnel brillait en apparence,
mais je me sentais constamment sur le fil du rasoir. Mon succès était entaché par ce sentiment de ne jamais en faire assez. Le poids de mes attentes m'écrasait, m'empêchait de savourer mes accomplissements. Il m'a fallu du temps pour réaliser que je ne pouvais pas être sur tout les fronts, qu'accepter l'aide d'autrui est le premier pas vers la guérison.

Quelqu'un frappe à ma porte.

Quoi, encore !

Mon Assistant est en congé, mon Patron quelque part en Italie. Alors pourquoi m'emmerdent-ils ! La solitude pèse sur mon moral, pour autant, je ne m'attendais pas à voir cet homme en chair et en os. Il se tient droit, et dit de sa voix solennel :

- Bonjour, Mademoiselle !

Ses cheveux gris poivre, son visage sévère, sa prestance...Nathan est le portrait craché de son père.

Sans attendre d'invitation, l'homme ferme la porte derrière lui en balayant la pièce des yeux comme s'il la découvrait pour la première fois.

- Je suis Richard Ballmer, et j'aimerai savoir où se trouve mon fils.

Et vous avez fait tout ce chemin pour me le demander ?

J'arque un sourcil. Les questions s'entrechoquent dans mon esprit, mais je garde le silence sans pouvoir contenir mon dégoût. J'ai mille choses à lui dire, mille vérités à lui jeter en pleine figure. A commencer par la nature de sa relation avec l'auteur de mon kidnapping.

Et dire qu'il n'avait pas hésité à jeter son fils en pâturage pour sauver ses fesses ! Et malgré tout il se tient devant moi, les mains enfoncées dans les poches comme s'il n'avait rien à se reprocher. C'est officiel, je hai cet homme !

Où était-il quand Jim et moi luttions pour notre survie. Que faisait-il pendant que d'autres se salissaient les mains pour accomplir ses basses œuvres ?

Il se contentait de tirer les ficelles dans l'ombre, comme toutes les crapules de son espèce.
Sa présence me donne la nausée ! J'aimerai tant le jeter par la fenêtre, lui refaire le portrait. Mais à quoi bon ? La violence ne résout rien, et mes questions n'auront pas les réponses escomptées.

Il faut tout de même un sacré culot pour oser se pointer dans MON bureau, après tout ce qu'il nous a fait subir.

Plus que tout, je me demande quel pacte lie Nathan à cette femme. Lui a-t-il remis les documents exigés, et si oui quelles en ont été les conséquences pour l'homme qui se pavane dans mon bureau ?

Si ces documents étaient aussi compromettants qu'elle le prétend, il ne serait pas là.

Pauvre Nathan....Il est prit entre deux feux, coincé entre son amour pour Jim, et son devoir familial. Richard le sait, et l'exploite pour servir ses intérêts. Nathan n'es parfait, personne ne l'est ! Il a commis des erreurs, moi aussi. Mais mes sentiments pour lui surpassent nos faiblesses. Il m'a soutenu, aidée à me reconstruire, et malgré nos différences je sais qu'il m'aime.

Mais comment pourrais-je aimé un homme dont le père est un meurtrier ?

En observant l'homme en col blanc, j'ai une envie brulante de lui cracher à la figure, mais ce ne serait pas correct vis à vis de mon Patron. Pour l'instant je dois jouer à son jeu perfide, être imperméable à sa présence.

- Monsieur Ballmer est en déplacement professionnel. Vous devriez le savoir.

Il esquisse un sourire calculé, comme s'il percevait mon dédain et s'en délectait. Mais je ne lui offrirai pas ce plaisir.

- Les affaires sont les affaires, la famille aussi. Mon fils semble avoir une haute estime pour vous, c'est pourquoi je souhaitais vous rencontrer.

Mais surtout fait le déplacement pour vous rencontrer. Vous comptez parmi les derniers employés à être arrivé, et Nathan semble avoir une haute estime pour vous.

Je déglutis, et préfère ne rien dire. Comprenant qu'il n'aura pas un mot de plus de ma part, il ajoute :

- J'aimerais vous inviter à dîner à la maison. Disons, Dimanche soir. Ce sera l'occasion de faire plus ample connaissance.

Son ton n'a rien d'une invitation. C'est une convocation.

- Bien sûr Monsieur Ballmer. J'accepte avec grand plaisir !

Il acquiesce d'un sourire qui n'atteint pas ses yeux.

- Parfait. Nous vous attendons Dimanche alors.

Sans un mot de plus, il se détourne et quitte le bureau aussi brusquement qu'il y est entré.

Putain, c'était quoi ça !

Il m'a mise en garde, j'en suis certaine. Cette invitation est un piège déguisé en politesse, et tout mon être hurle de ne pas y aller. J'attends que mon rythme cardiaque redescende pour reprendre mon souffle.

D'où lui vient cette soudaine envie de me rencontrer; que sous-entendait-il par : « mon fils a une haute estime de vous » ?

Une chose est sûre : ce dîner est loin d'être une simple formalité !

Une chose est sûre : ce dîner est loin d'être une simple formalité !

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FOREVER YOURS II (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant