Destin Sanglant

Chapitre 17

La grenouille au fond du puits

Je m'approchai silencieusement de la fenêtre brisée, m'introduis dans le bureau et m'installai sur son siège. Tristan ne remarqua absolument pas ma présence, complètement absorbé par ses pensées. Des pensées que je pouvais facilement deviner à son sourire sûr et satisfait. Je l'observai un peu à travers ma frange puis décidai qu'il était temps de briser sa petite bulle.

— J'ai un petit problème, Proviseur Alik, disais-je doucement.

Il sursauta et se retourna brusquement vers moi, arborant d'abord son sourire habituel. Mais ce dernier disparut quelque peu en remarquant l'odeur qui me collait encore aux mains. Vu son calme, il ne sembla pas comprendre ce qu'il venait de se passer.

— Il semblerait en effet, marmonna-t-il sans savoir que je pouvais l'entendre. Comme je te l'ai dit durant nos entretiens, tu peux tout me dire. Si tu as besoin de mon aide, n'hésite pas. Je suis sûr que tu n'avais pas le choix.

— En effet. Quelqu'un a touché à quelque chose qu'il n'aurait pas dû. Il l'a presque complètement brisé.

— Tu dois être particulièrement énervé, dit-il toujours de sa fausse voix amicale.

Je l'observai toujours afin de savoir s'il se doutait de quelque chose, mais rien dans son comportement ne le laissait penser. Soit il le cachait bien, or, jusqu'à présent j'arrivais à le lire, soit il n'a toujours pas compris de qui je parlais. Il semblait vraiment croire que son plan pour m'isoler des autres et notamment d'Ethan portait ses fruits. Or, c'était lui qui se faisait complètement contrôler par nous, au point de croire de lui-même que je parlais d'un autre. Son arrogance le rendait complètement aveugle à la situation dans laquelle il se trouvait. Ses sens en devenaient complètement inutiles. Après 7 semaines, il n'avait toujours pas senti que j'étais un vampire alors que, contrairement à lui, je ne dissimulais pas mon odeur derrière un parfum capiteux. Tout ce qu'il était capable de faire face à moi était de me renvoyer le même regard avide. Plus je l'observais se croire au-dessus des autres, plus j'avais envie de le voir chuter. Maman et Hélène m'ont pourtant déjà dit que c'était une mauvaise habitude. Mais j'y peux rien, c'est dans ma nature. Au final, je faisais preuve d'autant d'arrogance que lui, à la différence que je n'avais pas oublié que je n'étais pas infaillible. Avec une pointe d'anticipation, je commençai à resserrer la corde qu'il s'était lui-même passée autour du cou.

— Vous n'imaginez pas à quel point. Je pourrai le tuer immédiatement, poursuivais-je d'une voix basse en serrant les mains. Mais je ne peux pas faire ça. J'ai donné ma parole. Sans oublier que j'ai déjà fait un séjour en prison et je ne veux pas y retourner.

— Tu m'as en effet raconté à quel point ça a été dur. Les autres prisonniers ont constamment essayé de s'en prendre à toi durant tout ton séjour.

Un mensonge qu'il n'a même pas remarqué malgré son ouïe vampirique. Un gâchis de capacités.

— Sans parler de ton camarade qui a profité de tes compétences en combat pour t'utiliser comme bouclier et éviter les problèmes. J'ai été surpris de découvrir cette vérité sur lui. Ici, il est un élève modèle et calme. Il se présente comme soucieux de toi face aux autres, mais en réalité, ce n'est qu'un prétexte pour se créer une image.

Un autre mensonge qu'il a accepté de lui-même. Je sais très bien qu'Ethan est sincère. C'est justement le problème.

— Maintenant que tu as trouvé quelqu'un sur qui compter, il a commencé à prendre de plus en plus ses distances avec toi, accentuant ta solitude. Mais ne t'inquiète pas, je suis là pour t'aider.

Cette fois-ci, il y avait une part de vérité. Après notre attaque contre la secte, Ethan et moi nous parlions de moins en moins. Maintenant, si ce n'était pas en lien avec notre plan, on ne s'adressait plus un mot. C'était le point culminant de toutes nos actions durant les deux dernières années, on ne devait pas échouer. Ensuite. Je coupai court à mon fils de pensée pour me reconcentrer sur l'individu en face de moi. Je lui accordai toute mon attention et son expression avide et satisfaite me fit me demander quelle expression il aura sur le visage lorsqu'il comprendra qu'il était à notre merci.