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Roman

Eh bien c'est parfait. Je n'ai plus besoin de me convaincre de la buter. Ça va s'avérer extrêmement facile vu ce qui bouillonne dans mes veines, là.

Je ne bouge pas de mon siège. Je la fixe sans détour, mon actrice pâle et coupable au seuil du séjour. Elle me regarde comme si j'étais un mort revenu la hanter. Quoi ? Elle pensait pouvoir allègrement se faire soulever dans la camionnette minable de la Poste sans que je ne revienne jamais ? C'est ça, l'inapprochable Bellone ?

Elle a écarté les cuisses en huit jours avec moi. Il lui a dit quoi, pour qu'elle le suive dans son véhicule pourri ?

Bellone redresse la tête, après le choc. Elle se râcle la gorge, récupère un peu de fierté, et fait un premier pas vers moi :

— De retour ? lance-t-elle innocemment.

— Il t'a baisée ?

J'ai que ça qui sort. J'ai besoin de savoir.

J'avais prévu de me faire passer pour le type qui ne regrette pas sa nuit, de reprendre le rôle, ou de le prendre tout court d'ailleurs, de lui extirper ses aveux en douceur, j'avais mis au point tout un plan de comportement, de discours, de gestes. Et l'envie de lui arracher les yeux m'est tombé dessus.

Belle élargit le regard, sous la surprise. Elle s'étonne dans un murmure offusqué :

— Pardon ?

Mais je ne scille pas d'un millimètre, pour répéter, plus lentement et en articulant chaque syllabe :

— Est-ce qu'il t'a baisée ?

— Qu'est-ce que ça peut te foutre ?

Là, je me lève. Là, je n'y tiens plus.

Ce que ça peut me foutre ? Ça me fout que s'il a posé ses mains sur ce corps qui m'obsède, je lui décollerai les ongles un à un, je lui découperai la langue, et je la lui ferai mâcher lentement, je l'obligerai à avaler, et je finirai le supplice en le regardant s'étouffer dans son propre sang. J'ai oublié les couilles dans le schéma, mais je trouverai bien une minute où placer ça.

Quand je m'avance, un pas après l'autre, maitrisant ma colère dans chaque muscle, Bellone recule d'instinct. Son dos se plaque contre le mur, près de la porte, sans que j'aie eu à le faire moi-même pour une fois.

Je m'arrête à sa hauteur. Mon index de lui-même guide ma main, et vient tracer la ligne de sa gorge, avec autant de haine que d'envie.

— S'il ta touchée, Belle...je le tue.

Mon colis se targue d'un rire hautain ; une sorte de pouffement qui s'essaye au dédain, sans y parvenir complètement.

— Quoi ? rétorque-t-elle, les yeux furieux. Tu me fais le coup de la masculinité toxique ? Déjà ?

Elle plisse ses traits pour tenter une imitation grossière de ma rage, et reprend mes propos en aggravant sa voix :

— « S'il t'a touchée...Je le tuuue. Moi homme. Moi taper. »

Elle l'aura voulu. Mes autres doigts rejoignent mon index et s'enroulent autour de son cou, avec autorité. Je plonge dans son regard, avec une hargne qui me dépasse complètement. Cependant, mon ton reste calme lorsque je clarifie, à la bordure de ses lèvres :

— T'as pas compris, moja piękna. S'il t'a touchée : je le tue.

Bah voilà, elle percute. Toute sa posture se transforme et se soumet. Elle tend même la gorge pour mieux recevoir l'étreinte de ma main. Je la sens déglutir contre ma paume. Et son regard se fend, quand elle souffle contre ma bouche :

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant