Chapitre 48 - Le début de la fin

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Au départ, tout semblait anodin. Quelques enfants attrapaient ce que nous pensions être un simple rhume des foins. Les symptômes étaient légers : une toux discrète, des voix légèrement enrouées, quelques cas d'otites passagères et des petites éruptions de boutons rouges, localisées principalement sur les mains et les pieds. Rien qui n'aurait pu alarmer la communauté de Fontaine. Nous pensions tous qu'il s'agissait d'une de ces petites flambées de grippe saisonnière, inoffensive et transitoire.

Mais ce qui n'était qu'un léger trouble sanitaire se transforma rapidement en une menace grandissante, évoluant sous nos yeux sans que personne n'en prenne vraiment conscience. Les premiers signes auraient dû nous mettre en garde, mais cela n'a pas été le cas. Puis, quelque chose d'inexplicable se produisit.

Des plantes, d'une espèce jusque-là inconnue, commencèrent à apparaître aux abords des rivières, des canaux, et des moindres points d'eau de Fontaine. Ces plantes mystérieuses semblaient surgir de nulle part, leur propagation étant à la fois fascinante et inquiétante. Elles poussaient exclusivement près des sources d'eau – un environnement idéal dans cette nation où l'eau était omniprésente, leur offrant un terreau parfait pour croître de façon exponentielle.

La maladie, que nous pensions bénigne, se mit à muter à un rythme inquiétant, ses effets devenant de plus en plus alarmants. Les boutons rouges, au départ localisés sur les mains, les pieds et éventuellement le visage, commencèrent à s'étendre sur tout le corps des malades. Ils formèrent bientôt des plaques rouges avec des motifs étrangement familiers, des motifs évoquant les vignes et feuilles de ces nouvelles plantes qui colonisaient les rives de Fontaine. Mais cela n'était que le début du cauchemar.

Là où les premiers malades ne ressentaient que de légères démangeaisons, ils commencèrent à se plaindre de brûlures insoutenables. Leur peau, autrefois parsemée de petites plaques, se fendait à vue d'œil, laissant apparaître des plaies profondes et ulcérées. Ces fissures n'étaient pas de simples blessures : elles semblaient vivantes, grouillant de bourgeons et de petites tiges végétales, qui s'enroulaient autour de la chair meurtrie, fusionnant avec leur corps. Chaque plaie ouverte devenait un point de germination pour cette plante envahissante. Et c'était là que nous réalisâmes la gravité de la situation.

La maladie plongeait ses racines dans la chair des habitants. Les toux légères se transformèrent en quintes oppressantes, les malades suffoquant comme si des vignes invisibles enserraient leurs poumons. Leur voix, initialement éraillée, devint rauque et étranglée, avant de laisser place à des crachats de sang. Mais ce sang n'avait rien de normal : chaque goutte projetée au sol semblait germer instantanément, formant des fleurs aux couleurs vives, comme si la vie elle-même s'échappait de leurs corps pour nourrir cette végétation parasite et monstrueuse.

Et les otites ? Ce que nous pensions être de simples infections de l'oreille n'étaient en réalité que des bourgeons floraux en gestation, prêts à éclore. De nombreux malades se plaignaient d'une sensation de pression insupportable dans leur crâne, et bientôt, des fleurs d'un éclat vif jaillirent de leurs oreilles, mêlant les cris de douleur à une vision macabre de beauté florale. C'était un spectacle aussi grotesque qu'irréel : la maladie ne se contentait pas de détruire, elle façonnait les corps humains en extensions d'elle-même, en véritables jardins ambulants.

Les médecins de Fontaine, malgré tous leurs efforts et l'ingéniosité pour laquelle ils étaient renommés, restaient impuissants. Aucun traitement traditionnel n'avait d'effet. Les potions, baumes et remèdes, qui avaient autrefois triomphé des épidémies les plus redoutables, se révélaient inutiles face à cette malédiction végétale. Les cliniques finirent bien vite débordées.

Les rues autrefois vibrantes de Fontaine, se transformèrent peu à peu en un décor lugubre et déserté. Le brouhaha quotidien des marchés, les éclats de voix des marchands, les discussions animées des passants avaient tous cédé leur place à un silence oppressant. Ce calme étrange n'était interrompu que par des échos lointains de la maladie.

À mon Valet bien-aimé (Arlecchino x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant