Chapitre 54 - De cendres à lumière

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Point de vue : Milena

Je me réveille en sursaut, le souffle court, le cœur battant si fort qu'il semble vouloir s'échapper de ma poitrine. Mon esprit est encore englué dans les vestiges d'un cauchemar si vif, si oppressant, que je mets quelques instants à me rappeler qui je suis. Des images déstabilisantes obscurcissent encore mon esprit : je revis ma vie passée, celle d'Erina Deschamps. Je revois tout, de ma naissance à mes erreurs d'enfant et d'adolescente, jusqu'à ma rencontre avec mon mari. Je revis l'instant fatidique : nous sommes sur le bord d'une falaise, le soleil éclatant au-dessus de nous. Un geste maladroit, un faux pas, et je bascule dans le vide. Je vois son visage figé d'horreur alors que je glisse hors de sa portée. La chute, la douleur intense de mes os qui se brisent, le choc contre l'eau glaciale... puis le silence.

Je lutte pour m'échapper de ces souvenirs, pour me reconnecter à la réalité. Ce n'était qu'un cauchemar. Je suis vivante. Je suis Milena Angelica Varesquiel, fille d'Isabella Lavinia Varesquiel et de Stefano Lorenzo Varesquiel, tous deux décédés. J'ai un frère, Vittorio Luca Varesquiel, et une équipe loyale de gardes-assassins, parmi eux Larsen, Liliana, Irfan, et tant d'autres. Mon apprenti, Sigurd, adopté par ma garde Eris, et sa petite sœur Ingrid. Ce passé appartient à une autre vie.

Je me concentre sur mon environnement.

La lumière douce de la lune filtre à travers les rideaux épais. Une odeur familière de bois et de fleurs fraîches flotte dans l'air, je suis dans ma chambre à la résidence Varesquiel... Ou pas.

Le luxe opulent de la résidence Varesquiel n'est pas là, mais cette pièce reste d'un confort indéniable, empreinte de chaleur et de finesse. Les meubles, bien que peu nombreux, sont d'une qualité rare. Mon regard dérive vers la silhouette endormie à mes côtés.

C'est alors que je la vois. Arlecchino, profondément assoupie, ses traits tirés par une fatigue qui lui est étrangère. Ses longs cheveux argentés, entrelacés de mèches noires et écarlates, encadrent son visage d'une pâleur saisissante. Elle porte un pyjama en soie noire, un peu ample, elle a perdu du poids. Ses joues sont marquées par des perles de sueur, et je perçois de faibles halètements, signe qu'elle est prisonnière de cauchemars. Inquiète, je tends une main tremblante vers elle. Ma main, pourtant si faible, caresse doucement son visage pour apaiser ses tourments.

- « Tu fais un cauchemar, Arlecchino », je murmure, ma voix rauque et brisée.

À mon contact, ses muscles tendus commencent à se détendre, son souffle redevient régulier, et elle finit par sombrer à nouveau dans un sommeil paisible. Je m'assois sur le lit, le regard perdu dans la lumière argentée de la lune. Je prends une profonde inspiration et laisse mes yeux dériver vers le calendrier suspendu au mur. Le mois de mars est déjà là et très avancé. Je comprends alors que j'ai été plongée dans un coma pendant quelques mois, l'épidémie datant du mois d'octobre jusqu'à décembre.

Je me redresse lentement, observant mes cheveux blonds qui tombent en cascade jusqu'à mes cuisses. Ils ont été soigneusement entretenus, mais mon corps est amaigri. Ma chemise de nuit, flottante, souligne cette maigreur nouvelle. Je remarque une gêne persistante au niveau de mon abdomen. D'un geste hésitant, je déboutonne la chemise pour examiner la source de cette douleur. Une grande brûlure en forme de croix, comme marquée au fer rouge, s'étend sur ma peau. Elle rappelle les pupilles incandescentes d'Arlecchino et un frisson me parcourt. Cette marque... c'est elle. Elle a cautérisé l'infection qui me dévorait et a fini par m sauver la vie.

Je tente de rassembler mes forces, puis me dirige péniblement vers la fenêtre. Une fois le rideau épais écarté, je m'assieds sur le rebord de la fenêtre que j'ouvre doucement, enveloppée dans un épais et grand plaid qui dégage l'odeur boisée et rassurante d'Arlecchino. Dehors, les aurores boréales dansent dans le ciel sombre de Snezhnaya, un spectacle féerique de lumières somptueuses qui s'entremêlent. Je frissonne sous le vent glacial, mais le plaid m'apporte une chaleur bienvenue.

À mon Valet bien-aimé (Arlecchino x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant