Science et sentiments

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Chapitre 8: Science et sentiments


Après peut-être plus de deux semaines, je suis retournée au commissariat et plus particulièrement à mon bureau. J'étais toujours remplie de tristesse, j'avais le cœur lourd et l'esprit légèrement embrumé, avec tout ce qu'il s'est passé ces dernières semaines qui avait été de loin les plus éprouvantes et douloureuses de ma vie. Je n'avais pas vu Angela depuis que je lui avais annoncé la mort de sa fille unique. Je me demandais comment elle allait, mais aussi, je me demandais si elle m'en voulait. Bien sûr, en soit, il n'y avait pas de raison, mais j'étais très incertaine sur la vie en général maintenant que je n'avais plus Jane pour me guider et me conseiller sur quoi faire. Jack et moi avions rompu alors je ne pouvais pas non plus me tourner vers lui. Ainsi, j'étais à mon bureau, je lisais des revues scientifiques ou vérifiais des rapports d'autopsie de confrères qui m'avaient demandé un avis extérieur. Après, je pense trois ou quatre heures à être plongée dans tous ces papiers remplis de mots, j'ai eu comme un blocage. J'avais eu comme l'envie soudaine d'aller voir le corps de Jane. Pas le sentiment où on a l'impression que le corps nous appelle de l'au-delà comme dans les films d'horreur; de toute façon, je doute qu'il y ait un au-delà; c'était plus comme si j'avais besoin de lui dire au revoir une dernière fois avant qu'une le corps soit officiellement incinéré. Angela et ses frères étant la seule famille très présente de Jane, il fallait leur avis avant de faire quoi que ce soit avec le corps. Aucun d'eux n'avait encore transmis les informations sur le futur de ce que fut auparavant Jane. Je me souviens qu'elle m'avait explicitement demandé il y a de ça plusieurs mois que si elle venait à mourir, elle ne voudrait pas être enterrée, mais plutôt incinérée. Je suis presque certaine que c'est parce qu'elle ne voulait pas être dévorée par les insectes comme tous les corps que l'on a pu découvrir. Au souvenir du caractère spécifique de Jane que j'aimais tant, je me mis à rire légèrement. Elle et ses remarques me manquaient tellement.

Maintenant, je me levai et pris la direction de la chambre froide qui n'était pas loin. Mon cœur me faisait de plus en plus mal à chaque pas, mais je savais que de revoir ce corps une dernière fois serait la clé de mon passage à la dernière étape du deuil: l'acceptation.

J'eus comme une impression de déjà vu, ce chemin parcouru vers le même tiroir, la dernière fois étant quand j'ai fait les tests ADN pour vérifier l'identité du corps. J'ouvrais maintenant le même tiroir, pour révéler le même corps allongé dans ce tiroir froid qui laissa s'échapper un nuage de vapeur froide qui se dispersa dans la pièce. L'aspect de la dépouille n'avait pas changé, conservé par le froid glacial des réfrigérateurs. La peau n'avait pas dégonflé, la couleur n'était évidemment pas revenue non plus, dus à l'arrêt de la circulation sanguine. Je me mis à dévisager le corps et à imaginer les traits de Jane sur son visage. Ce n'était à la fois pas compliqué et difficile. Le visage de Jane était gravé dans ma mémoire à tout jamais, mais l'aspect de ce que j'avais devant moi était dans un état tellement effrayant qu'il serait impossible à un inconnu de pouvoir reconstituer le visage de Jane après avoir seulement vu une photographie. Après un temps indéterminé, à cause de m'être perdu dans mes pensées, je remarquai un objet dans la poche de ma blouse qui semblait être attiré par quelque chose d'inconnu dans le corps. Quand je mis ma main dans ma poche pour identifier l'objet attiré, j'en sortis une chaîne dans un alliage spécifique, et quand je l'ai placé au-dessus de la dépouille, il sembla attiré comme par quelque chose d'aimanté dans la poitrine de celle-ci. C'était quelque chose de tout à fait nouveau pour moi, donc je me dis que je devrais peut-être faire une radiographie. Je me suis mise à déplacer le corps vers la salle d'autopsie et fis la radiographie qui révéla la présence d'un corps non identifié. Il était plutôt petit et d'une forme cylindrique. Je ne savais pas du tout de quoi il pouvait s'agir alors je pris une pince et la plongeai dans le corps, en quête de ce qui était logé sous la peau de la poitrine. Étonnement, j'eus du mal à accéder à la zone requise, dus à l'état dans lequel la peau et les muscles se trouvaient. Je finis par enfin trouver le bon endroit d'où je sortis un objet brillant, argenté, qui me rappelait un aimant que j'avais vu lors de mes études de médecine. C'est ce que l'on appelait des aimants en néodyme qui servaient beaucoup dans des appareils médicaux tels que les implants auditifs, les appareils de stimulation nerveuse ou même dans les pompes à insuline pour les personnes atteintes de diabète. Je mis un temps pour reprendre mes esprits, la confusion prenant lentement possession de mon esprit. Cet aimant semblait avoir été précédemment un des composants d'une machine dans la poitrine, reliée par un fil directement avec le cerveau. J'avais lu un article là-dessus. C'était une nouvelle méthode pour traiter l'épilepsie. Qu'est-ce que ça pouvait bien faire ici?? Alors j'ouvris grand les yeux et me hâtai vers un kit de prise d'empreinte dentaire. Mes mains tremblaient, je transpirais, ce qui fit que j'eus du mal à ouvrir le kit et à procéder à son utilisation sur les dents du corps. Mon cœur battait à toute allure et frappait dans ma poitrine comme un taureau enragé essayant de sortir de sa cage. Quand j'ai comparé l'empreinte dentaire à celle dans le dossier médical de Jane, que j'étais allée récupérer entre-temps, j'eus l'impression de tomber du toit d'un gratte-ciel. Elles étaient... différentes ?! Je commençais à voir flou, devant ce résultat qui n'avait pas le moindre sens. C'est alors que je compris une nouvelle qui me glaça la colonne vertébrale et me provoqua un frisson.

J'avais commis une erreur. Ça ne m'était jamais arrivé auparavant. Sur cette table d'autopsie reposait le corps d'une personne qui m'était inconnue. Qui n'était pas Jane.

La Meilleure Tragédie de Notre VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant