Le culot

27 6 6
                                    

Le cœur lourd et l'esprit assombri par sa confrontation avec Baptiste, Isabelle se réfugia dans le silence de son appartement. Les mots tranchants qu'il lui avait lancés tournaient en boucle dans son esprit, chaque syllabe s'enfonçant comme une lame. Elle se laissa tomber sur son lit, incapable de trouver un refuge dans ses pensées. Le silence pesant de la pièce n'était qu'un écho amplifié de la solitude qui l'étouffait.

Elle avait besoin de comprendre, de tirer au clair ce qu'il s'était passé. Mais plus elle plongeait dans ses réflexions, plus la réalité devenait douloureuse.

Après une introspection laborieuse, une vérité brutale s'imposa à elle : Baptiste prétendait l'amnésie.

Il simulait cet oubli pour échapper à ses responsabilités, pour effacer leur nuit ensemble. Ce n'était pas la nuit en elle-même qui le gênait, mais le fait de devoir l'assumer. Et au fond, Isabelle savait que cette nuit n'avait été qu'un aboutissement inévitable. Depuis des semaines, il s'était montré plus tactile, plus proche, laissant planer des sous-entendus, semant des indices. Il avait joué avec ses attentes, comme s'il préparait délibérément cette chute.

Une colère sourde monta en elle, balayée par des vagues de frustration et de dégoût.

— C'est un lâche, murmura-t-elle, les poings serrés. Un lâche qui a profité de moi quand j'étais vulnérable, juste pour tirer son coup.

Ces mots résonnèrent dans l'air lourd de la chambre, une vérité qu'elle aurait voulu ignorer mais qui s'imposait avec une implacable clarté. Comment avait-elle pu être aveuglée à ce point ? Comment avait-elle pu s'ouvrir à quelqu'un qui, manifestement, ne méritait pas sa confiance ?

La nuit fut longue, peuplée de tourments et de pensées sombres. Mais au petit matin, quelque chose changea. Isabelle se leva avec une détermination qu'elle n'avait pas ressentie depuis longtemps. Elle prit une décision qui, bien que douloureuse, était nécessaire : elle devait se protéger de lui, de ce qu'il représentait. Elle bloqua son numéro, effaça ses messages, le supprima de ses réseaux sociaux. Elle n'allait pas attendre une explication qu'il ne donnerait jamais. Elle effaçait chaque trace de lui, chaque porte laissée ouverte. Le couper de sa vie lui fit l'effet d'un coup de poignard, mais elle savait que c'était la seule manière de reprendre le contrôle.

Le lendemain matin, Isabelle se présenta au lycée métamorphosée. Ses vêtements, plus lumineux que d'habitude, contrastaient avec les tenues sombres qu'elle portait ces derniers temps. Ses cheveux, soigneusement coiffés, encadraient un visage illuminé par un sourire sincère, bien que discret. Pour la première fois depuis des semaines, elle se sentit légère, comme si un poids invisible s'était enfin dissipé.

Ses amis remarquèrent immédiatement le changement. Ils l'accueillirent avec des rires et des conversations animées, soulagés de la voir renouer avec sa vitalité. Leur présence chaleureuse lui fit du bien, lui offrant une échappatoire aux pensées qui la hantaient. Isabelle se plongea dans ses activités, retrouvant peu à peu son enthousiasme pour les choses simples qui lui procuraient de la joie.

Quand le cours de Baptiste arriva, Isabelle se sentit étrangement calme. Elle entra dans la salle avec assurance, s'installa à sa place habituelle et ouvrit son cahier, indifférente à la présence de son professeur.

Pas un seul regard ne fut échangé.

Baptiste, de son côté, maintint une distance professionnelle, comme s'il n'y avait jamais eu d'histoire entre eux. Le mur d'indifférence qu'elle avait construit semblait également convenir à Baptiste, qui s'en tint à ses explications, évitant soigneusement toute interaction personnelle.

Isabelle écouta le cours avec une attention méthodique, prenant des notes comme si de rien n'était. Pour elle, Baptiste n'était plus qu'une ombre, un simple professeur parmi tant d'autres. Leur lien, autrefois complexe et chargé d'émotions, n'était plus qu'un souvenir réduit à néant, une page tournée sans regret apparent.

Sous contrôle [En réécriture pour le bonheur de vos yeux]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant