Chapitre 3 - II : Le noir total

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Baltane, un peu plus éloigné, fut épargné, mais les sifflements de la détonation l'assourdissaient encore. Il se projeta en avant en titubant légèrement, afin de secourir Martha qui gisait et gémissait de douleur en se tenant la jambe, recroquevillée sur elle-même.

Par chance, elle n'avait pas été expulsée sur une des parties tranchantes des branches autour. Baltane s'agenouilla en vitesse à ses côtés et tenta d'ôter son bras de sa jambe, mais elle convulsait et son corps entier s'était raidi.

— Martha, respire ! Il faut que tu me montres, je dois voir l'état de ta jambe ! supplia-t-il.

Martha ne put même pas énoncer les quelques mots qui lui passaient par la tête. La douleur était trop intense.

Baltane pris les devants, et porta Martha dans ses bras pour la soulever et la poser correctement assise au sol. En soulevant ses bras il put voir l'état de sa blessure. Aucune plaie ouverte n'était à signaler. Cependant, sa jambe était sévèrement brûlée de la plante du pied à la rotule. Ses vêtements et ses chaussures étaient réduits en miettes, et sa peau avait fondu. La brûlure était grave.

Il essaya de la mettre debout en la soutenant sous l'épaule, mais Martha cria de douleur en crachant une giclée de sang qui dégoulina sur son cou. Le choc de la chute avait probablement touché Martha plus profondément que ce que Baltane pensait. En tournant la tête vers le piège, celui-ci remarqua que des flammes avaient commencé à bruler les alentours. Cette mine n'était pas destinée à immobiliser ou à broyer, mais à déclencher un feu puissant sur la partie en contact avec le détonateur. Baltane n'en avait jamais vu de telle sorte.

Impuissant, il regarda Martha qui pleurait et suffoquait dans ses bras, tandis que ses yeux commençaient à se retourner. Elle était sur le point de perdre conscience.

— Martha, je t'en prie reste réveillée, je vais te porter jusqu'au sentier et ils te soigneront là-bas, je te promets !

Il commença à la poser sur son dos, en prenant soin de ne pas frotter sa jambe brûlée, et poussa de toutes ses forces pour se relever. Le feu se propageait à une vitesse folle, et la chaleur devenait déjà insupportable. La fumée remplissait ses poumons et brouillait sa vue. Il devait rapidement trouver une issue, sans se perdre dans la forêt. Seul la nuit, il n'aurait aucune chance de s'en sortir.

Soudain, une idée encore plus terrifiante traversa son esprit. Si un piège de la sorte avait été posé là, qui en était la cible ?

Il obtenu sa réponse bien plus tôt qu'il ne l'aurait voulu. Depuis le fond de la forêt, resonna un grondement lourd et froid. Tel un croisement entre le grincement du bois qui se tord jusqu'à rompre, et le rugissement rauque d'un animal sauvage, ce cri sonna comme un avertissement funèbre. Baltane fut paralysé tout entier par l'effroi, alors que les arbres autour semblaient prendre vie à vue d'œil.

Il ne sut ce qui le poussa à réagir, peut-être la peur également, ou le fait qu'il soit désormais responsable de Martha qui agonisait sur lui. Toujours est-il qu'il sauta rapidement par-dessus le rocher qui avait retenu son amie et commença à courir comme jamais il ne l'avait fait. Dans sa fuite, il commit l'erreur de tourner la tête pour vérifier s'il était poursuivi. Ce qu'il aperçut dépassa n'importe quelle horreur qu'il avait pu voir en treize ans de vie.

À travers les branchages et les flammes, dans l'obscurité grandissante du soleil couchant, se tenait une créature humanoïde et sans visage, complètement recouverte d'écorce et haute d'au moins trois mètres. L'animal, si tant est qu'on puisse le classifier de la sorte, se tenait à quatre pattes, et chacun de ses mouvements était accompagné d'un grincement horriblement menaçant.

Alors que Baltane pensait être dans un angle mort, le monstre hurla un son à glacer les os, et son visage difforme se tourna vers lui, révélant deux orbites vides d'où coulait une sève rouge sang.

Baltane tourna la tête instantanément et se rua en avant, fouettés par les lianes qui pendaient sur son chemin. Par chance, ses sabots lui permettaient de couvrir des distances quasiment deux fois plus rapidement qu'avec des pieds normaux. Dans sa course effrénée, il ne savait différencier les sons de ses propres pas, et ceux de la bête qui les poursuivait.

Martha se sentait partir peu à peu. Elle ne distinguait plus que des silhouettes mais pouvait encore entendre des voix, comme celles des arbres qui les entouraient. Alors que Baltane traçait au milieu de ceux encerclant un des buissons fruitiers, elle fut interpellée par un des arbres.

— Tuez-moi...

Ils suintaient cette même sève rouge et larmoyante visible sur la créature qui les traquait.

— A l'aide... J....Je... Ne respire plus... lança une autre voix meurtrie, émanant d'un second arbre.

Elle entendait la bête hurler comme un monstre fou, mêlant des sons à moitié humain et des claquements de membres faits de bois.

Baltane allait de plus en plus vite, faisant valser Martha de droite à gauche. Sa jambe la lançait de plus en plus, et les voix suppliantes de la forêt la plongeait dans un cauchemar sans fin. La douleur était insoutenable. Les cris de plus en plus stridents. Le bois grinçait derrière eux. Les hurlements de la bête. Le sang qui se glace. L'obscurité. Les plaintes. La douleur toujours plus forte. Les sabots qui resonnent. Les cris. La mort qui observe.

Au milieu de cette traque morbide, alors que Martha s'évanouissait par intervalles, résonna soudain l'écho d'un murmure déchirant dans sa tête :

« L'amour comme flambeau donnera naissance aux muses et aux chimères. »

La chaleur. La sueur froide. La douleur. Les plaintes.

« Une brute perdue dans l'hiver... »

Le bois qui grince. Encore. La sève sur les mains. Le sang qui coule. La course sans fin.

« Voici venir le temps du premier et du dernier souffle... »

Sans Visage. Cris. Brûle. Lamentations.

« Une étoile pour la guider... »

Lumière. Route. Tress.

« Un mirage pour tous les perdre... »

Le noir total.

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