L'Etoile Mirage

Chapitre 9 - I : La Cinquième Tangente

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— Mes frères, mes sœurs, vous avez péché! s'exclama un vieillard sur un cheval sans doute aussi âgé que lui. Certains se pensaient peut-être vertueux? D'autres, crapules conscientes de leurs méfaits, n'ont eu cure des avertissement divins!

Le vieil homme prit une grande inspiration afin que sa voix porte sur les centaines de mètres formées par les migrants, puis reprit solennellement :

— Mais qu'importe notre nature, nous sommes tous responsables de nos actes aux yeux de Mityr!

Il tenait dans sa main une chaîne épaisse traînant au sol lourdement, rythmant sa tirade de chocs métalliques, face à la horde de milliers de familles et pauvres paysans fuyant leur vie misérable, en quête d'une vie meilleure. Ses paroles semblaient intelligentes, mais sa face minable et son regard béat dégageaient une crétinerie sans nom.

— Vous avez péché... Mais il n'est pas trop tard! brailla le vieil homme. Ayez foi en notre bon roi qui nous guide, lui et ses Tangentes, vers un monde plus étincelant qu'un diamant, plus majestueux que les Diagonales elles-mêmes, un monde pieux et purifié!

— Ta gueule lèche-cul! cria un homme caché depuis la foule, n'osant visiblement pas être aussi brave que son langage.

— Ta langue est bien pendue mon enfant, répondit calmement le religieux en scrutant la file, et ton cœur noir comme la nuit, mais n'es-tu donc pas ici parmi nous, croupissant dans la pauvreté la plus pure, nu de toute richesse, pour atteindre l'accomplissement de ton âme? Ne cherches-tu donc pas la paix? le sermonna-t-il.

— On cherche juste à vivre! se plaignit une femme plus loin. Un toit, un repas...

— Et de l'or! cria un jeune homme vêtu d'un unique caleçon presque en lambeaux. On en veut pas de ta foutue paix intérieure!

Il brandit une affiche sur laquelle on distinguait une étoile brillante gisant dans un cratère énorme, autour duquel s'amassait le peuple de Mityr tenant dans ses mains des coffres remplies de pièces, de bijoux et autres richesses en tout genre.

— C'est des conneries tout ça! contredit un homme sale comme un poux qui le suivait. Le roi veut simplement nous virer de chez nous afin de mener à bien ses projets d'agrandissement de la Voie Royale! Pendant que nous sommes bloqués ici, il détruit nos villages et y construit sa grande route! Vous tombez tous dans le panneau! Il nous faut un héritier de notre vrai roi, feu Azarath Drainor... quelqu'un capable de rétablir l'ancienne monarchie!

L'autre homme se retourna, rouge comme une pivoine, et décocha une droite bien placée en plein dans le menton du jeune homme qui s'écroula au sol.

— Et ça c'est des conneries? siffla-t-il en lui crachant dessus.

L'altercation escalada rapidement. Plusieurs personnes se jetèrent dans la mêlée pour défendre leur point de vue. Dans la précarité, la chaleur assourdissante et l'ignorance, les poings parlaient mieux que les mots.

— Ne poussez pas! cria une mère. Il y a des enfants!

— Il est déjà en train de canner ton marmot, qu'est-ce que ça change? répondit un des hommes, sans s'arrêter de tabasser à main nue le crâne d'un autre, ne vérifiant même pas s'ils étaient du même avis.

Le vieux prêtre afficha un visage stupide, regardant la scène avec des yeux de merlan frit, la bouche entrouverte laissant presque apercevoir un filet de salive couler.

— ARRETEEEZ!! couina-t-il d'une voix nasillarde.

Il tenta d'accélérer sa monture, mais même au pas, elle haletait déjà de fatigue.