Chapitre 4 - I : Cet hiver fait de cendres

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Autour de l'arène, retentissait le vacarme assourdissant de la foule en folie qui aboyait comme des animaux enragés, encourageant la violence et le meurtre.

Aussi assoiffés de sang que les bêtes lâchées dans la lice, le public rageait et pleurait de joie dans l'odeur acariâtre de la transpiration, des glaires et des tripes.

La salle s'élevait sur plusieurs étages, surplombée par un toit sphérique volontairement parsemé de grands espaces vides, afin que les déchets de la ville supérieure tombent lors du combat, pimentant ainsi l'affrontement et ses potentielles morts. De temps en temps, ils étaient assez lourds pour tuer d'un coup sec, et les spectateurs acclamaient alors l'action à s'en fêler les cordes vocales.

Au troisième étage, le preneur de paris était surmené par les surenchères qui se multipliaient à chaque coup porté dans le massacre.

— J'ajoute cinquante-sept sylves ! beugla un homme rabougri à moitié chauve, lâchant grossièrement sur le comptoir ses quelques dernières piécettes, se privant probablement de nourriture pour le reste du mois.

— Trois écus pour le petit ! brailla un second homme d'âge mur qui peinait à se faufiler dans la foule de spectateurs.

— Tu as perdu la tête ? tempêta sa femme. Le garçon n'a aucune chance, frêle comme il est !

Elle essayait de se faire entendre tant bien que mal dans le tapage environnant.

— Tu devrais écouter ta bonne femme, vieillard, renchérit un troisième homme orné de plusieurs cicatrices au visage. Je mise dix écus sur le fauve ! Le gamin va lui servir de casse-croute, c'est moi qui vous le dis.

Le preneur de paris ramassait l'argent qui coulait à flot, et rangeait les pièces aussi minutieusement qu'il pouvait, en regardant avec suspicion autour de lui, au cas où des regards un peu trop curieux souhaitaient faire fortune.

Après tout, la ville de Bertha était réputée dans tout le continent de Letz pour sa population malfamée, et son taux de crime anormalement élevé. La bourgade tenait son nom du plus gros ponte de la ville, et dirigeante de la pègre locale. Cette femme était connue pour avoir apporté divertissements et progrès technologique à la ville souterraine. Complètement corrompue par Siegfried, le gouverneur de la cité à la surface, Bertha profitait personnellement d'avantages pécuniers, et d'autres conforts de vie, depuis des décennies. En échange, elle se « contentait » de lui envoyer des esclaves qu'elle choisissait avec soin, tous répondant à un critère d'âge bien trop douteux ; seule condition exigée par son bienfaiteur. Et comme toute bonne mafieuse vénale, elle ne laissait personne d'autres profiter de ses faveurs. La cité de Bertha était restée extrêmement pauvre et dangereuse, plongée sous terre où le soleil se faisait rare, tandis que la cité supérieure de Siegfried baignait dans le luxe et l'abondance.

Bertha savait néanmoins très bien comment tenir son peuple en laisse. Quoi de mieux que le sang et la détresse pour divertir les esprits ? « Ils reluquent un autre bougre luter pour sa vie, en ignorant leur propre faim » s'amusait-t-elle à dire. Elle était allée encore plus loin dans le vice, en proposant des combats où s'affrontaient des jeunes enfants contre des animaux tout juste nés. Chaque soir, pendant des heures, la célèbre arène de Bertha faisait s'entretuer, en toute légalité, gamins d'une dizaine d'années, ours, loups, fauves et diverses créatures.

Ce jour-là, un lionceau de cinq mois comptant trois victoires à son actif, avait été lâché contre un jeune garçon de neuf ans qui n'avait alors jamais combattu. Les dresseurs ne nettoyaient pas les victorieux, afin que le sang de leur adversaire mort au combat ne s'en aille pas, leur donnant une allure plus menaçante encore. Le lionceau de cinq mois était déjà maculé d'une couleur rouge sombre. Tout portait à croire que l'enfant était condamné.

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