Chapitre 8 - I : La Courbe, le flot, la source, une belle merde quoi

24 4 51
                                    

⊱ ────── {.⋅ ✯ ⋅.} ────── ⊰

La journée qui suivi le départ se passa sans accrocs.

Les roues de la charrette grinçaient à chaque tour, le bois usé peinant à supporter le poids des bagages. De chaque côté de la route, les arbres se tordaient vers le ciel, projetant des ombres mouvantes sur le sentier. L'air était lourd, chargé de l'humidité du marais voisin qui exhalait une odeur douceâtre et putride à la fois, mélange d'eau stagnante et de végétation en décomposition. Au pieds des montures serpentait une légère brume traçant des motifs étranges et éphémères.

Ils n'allèrent pas bien vite, compte tenu des charrettes laissées derrière eux pour échapper à l'Ecorceur. La plupart étaient amassés dans la seule qui restait, quant à Martha, elle avait été posée sur le cheval de Tress qui avançait au trot. Elle passait machinalement sa main sur sa blessure, surprise de ne sentir qu'une légère chaleur sous la peau. L'étrange événement du matin la hantait. Comment une plaie aussi sévère pouvait-elle guérir aussi vite ? Un frisson la parcourut alors que la sensation familière du cuir de ses gants semblait glisser sur sa chair lisse. Trop lisse, comme si son corps avait oublié l'épreuve de la douleur...

Le reste du groupe profitait du voyage pour vaquer à ses occupations ; Gravier avait observé attentivement les alentours en notant dans son carnet chaque détail susceptible d'enrichir sa carte puis s'était curieusement arrêtée en s'isolant dans le charriot. Bleu commentait naïvement les couleurs de chaque oiseau qui passait devant lui, quant à Jan, il s'était éloigné pour vider sa vessie, et était revenu sans pantalon après s'être fait avoir par un Passe-passe. Il n'avait bien évidemment pas écouté le conseil de Tress.

Cueillette, éclairage, paysage qui défile, et peut-être pour la vingtième fois le remplacement d'une des roues arrière de la charrette, en bref, la journée se passa effectivement sans accrocs.

Tandis que la plupart du groupe roupillait sous le rythme monotone des sabots, Gabo, normalement chargé d'assurer les arrières, accéléra sa monture juste assez pour rattraper Tress. Il s'arrêta près de Martha qui se retrouva à moins d'un mètre de son bras amputé. Baltane lui avait vaguement expliqué ce qui s'était passé dans la forêt sans entrer dans les détails. Le pauvre était encore traumatisé des évènements et il n'avait d'ailleurs pas dormi de la nuit.

Elle fixa Gabo, en se demandant comment il pouvait rester aussi stoïque avec une blessure aussi sévère. Il ne s'était pas plaint une seule fois, et n'avais même pas demandé qu'on s'occupe de le soigner. D'un geste nonchalant, il se tourna soudain vers elle avec un sourire en coin, son bras amputé se balançant légèrement, comme s'il en plaisantait.

— On échange? lança-t-il, feignant une sincérité moqueuse. Ton bras contre ma jambe.

Tress, agacée, poussa un soupir exaspéré tout en jetant un regard sévère à son ami, et lui envoya un coup de pied dans la cuisse depuis sa monture. Martha, quant à elle, ne se laissa pas impressionner par le mastodonte cette fois-ci, et haussa un sourcil avant de répondre sur le même ton de défi :

— Tu ne tiendrais pas quelques heures avec ma jambe.

Gabo se mit à rire, à moitié surpris.

— Ta petite brûlure, c'est ce que je me suis infligé pour cautériser ma plaie, gamine.

— Laisse la tranquille Gabo... se lamenta Tress

— Oh, ça va, il lui reste un bout au moins !

Il n'eut qu'un regard blasé en guise de réponse. Il tenta maladroitement une frappe amicale dans le dos de Tress, mais avec un bras, il perdit contrôle de sa monture un court moment, et insulta la pauvre bête, ce qui ne manqua pas de faire rire Martha.

L'Etoile MirageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant