Chapitre 8 - II : La Courbe, le flot, la source, une belle merde quoi

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La journée suivit son cours, sous le soleil implacable, imprégnant le marais d'une chaleur humide et suffocante. Les chevaux peinaient à relever leurs sabots s'enfonçant profondément dans les flaques d'eau qui inondaient la route. En sortant du sentier la veille lors de leur fuite, ils avaient rejoint un autre chemin qui menait cette fois-ci directement au mont Tropi. La montagne s'élevait au-dessus de tout, et semblait même dépasser le ciel.

De tout le continent de Mityr, c'était le second plus haut relief derrière les Diagonales, deux cimes tortueuses à l'extrême nord du continent. Le Mont Tropi n'avait néanmoins rien à leur envier, il possédait ses propres atouts ; une proximité avec la capitale, et une abondance non négligeable de matières précieuses cachées au sein de ses nombreuses mines.

Depuis plusieurs heures dans l'ombre de cette montagne maintenant si proche, Martha se battait contre les essaims de mouches qui tournaient autour de ses cheveux sales. Elle avait vraiment besoin de se laver, elle le sentait. Cependant, son attention était portée sur autre chose. Depuis l'incident, Gravier était partie seule à l'avant, à l'écart du reste du groupe, et lançaient dans le ciel des curieuses balles. Bien que personne n'avait révélé les raisons de son isolement, la jeune fille n'était pas dupe. Elle éprouvait de la peine pour la vieille femme qui s'était chargée de la soigner, et avait pris du temps pour faire en sorte que Sakomo l'accepte. Depuis le début, elle et Tress n'avaient cessé de la soutenir, elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Elle ne le voulait pas. Hors de question d'être juste un poids pour le groupe ; elle aussi voulait apporter son soutien, se sentir utile et être appréciée à sa juste valeur. Jusqu'ici qu'avait elle fait à part voler, se blesser gravement, et passer pour une folle qui entend des voix? Ils pensaient tous certainement qu'ils n'auraient jamais du la ramasser au milieu de cette forêt.

— Tress? demanda-t-elle en s'extirpant de ses pensées. Pourrais-tu t'arrêter s'il te plait, j'aimerais descendre aller voir Gravier.

La belle rousse, surpris de la requête, fixa Martha quelques instants, avant de glisser ses yeux vers sa jambe blessée.

— Je ne peux pas te laisser marcher, Martha, tu as besoin de repos. Si tu as quelque chose à lui dire, autant y aller toutes les deux, lui répondit-t-elle compatissante.

— Non, je voudrais y aller seule. J'aimerais la remercier moi-même, je peux le faire, insista la jeune fille.

— Je ne comprends pas, rétorqua Tress dubitative. Je veux simplement t'y emmener, il n'y a aucune différence, il s'agit simplement de ne pas exposer ta jambe à trop d'efforts.

— Je ne veux pas être celle qui a toujours besoin d'aide, et je n'ai même plus mal, je te promets...

— Il ne s'agit pas seulement de ça, Martha. Gravier a probablement envie de rester tranquille. Tu risques de la déranger.

La "déranger". L'espace de quelques secondes, cette réponse raviva des souvenirs douloureux; quatre murs clos, une pièce vide plongée dans l'obscurité, et un visage. Le même visage qu'elle tentait de voir chaque nuit avant de s'endormir. S'il n'était pas venu l'aider... il serait toujours là aujourd'hui. C'est probablement ce que sa famille avait toujours pensé d'ailleurs. Elle dérangeait. C'est pour cela qu'ils l'enfermaient. Et aujourd'hui encore, elle allait déranger. Sa gorge se serra mais elle parvint tout de même à répondre à la jeune femme.

— Tu n'aurais pas réagi de la même façon si Rohm ou Lutèce serait allé la voir... Tu me parles comme si j'étais un boulet qu'on traîne partout avec soi, tu ne me fais pas confiance?

L'Etoile MirageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant