Le Double-Jeu ~ {Fanfiction Le Comte De Monte-Cristo}

Chapitre VII : Départ

Cette fois, Adélaïde pâlit considérablement.

- Quatre ans !

- C'est le temps qu'il te faudra pour devenir véritablement Adélaïde de Castille et pour apprendre de l'Espagne tout ce qu'il y a à en savoir, et le temps également qu'il faudra à mon Domaine pour être construit. Nous avons besoin de cette demeure à deux pas de Paris, qui deviendra le chateau fort de nos machinations. J'estime ensuite à un ans le temps dont nous aurons besoin pour établir notre vengeance dans ses moindres détails.

La jeune fille considéra son hôte d'un oeil craintif teinté d'admiration. Qu'avait donc vécu cet homme pour être capable d'inscrire des projets dans un laps de temps si long ? Elle-même était incapable de se projeter plus loin qu'une année. Elle s'inclina donc devant la logique si particulière de cet homme dont elle ne saisissait pas encore la mécanique, mais qu'elle respectait déjà.

- Quand est prévu mon départ ? demanda t-elle simplement.

Elle crut voir de nouveau une ombre de sourire sur les lèvres du Comte, qui répondit alors d'une voix égale :

- Le navire qui doit t'y conduire est prévu pour la semaine prochaine.

- Je serai seule durant ces quatre années ?

Elle ne put empêcher sa voix de trembler légèrement à ces mots.

- Non, l'un de mes intendants, Bertuccio, t'accompagnera. C'est un français, un Corse qui n'a qu'une parole. Je lui ai fait apprendre l'Espagnol, et il fera le voyage avec toi. Il veillera à ce que personne là bas ne t'importune, car si la famille de Castille existe véritablement, je n'ai jamais eu aucun contact avec elle.

Adélaïde acquiesca. Le Comte resta un instant immobile, mais elle n'avait aucune question à lui poser ; son plan était clair, simple et efficace. Il sembla alors considérer la discussion comme close et se retira.

À dater de ce jour et dans la semaine qui suivit, la jeune fille n'eut presque pas l'occasion de reparler à son hôte, qui disparaissait dans la journée et ne rentrait que tard le soir. Quant à elle, enfermée la plupart du temps dans sa chambre, elle tachait déjà d'apprendre les bases de la langue espagnole, sans grand succès, il faut bien l'avouer. À l'occasion de son temps libre, elle n'hésitait pas à aller explorer de fond en comble le château, qui semblait à chaque exploration se révéler toujours plus mystérieux, toujours plus opulent, toujours plus ridiculement gigantesque.

Pendant cette semaine, Adélaïde Morrel prit goût au luxe. Ce n'étaient souvent que d'infimes détails qu'elle était la seule à remarquer ; le sol chauffé de la salle de bain, les serviettes propres et parfumées, le papier à lettre élégant, les étoffes douces de son lit... il lui semblait alors que sa vie en tant que voleuse n'avait jamais existé. Quel contraste, en effet, entre la misère de son ancienne vie et la magnificence de sa nouvelle résidence !

Les premiers jours, elle pensa beaucoup à Simon. La culpabilité de l'avoir laissé à son sort la prenait souvent, au détour d'une lecture, et elle laissait alors échapper quelques sanglots pathétiques. Elle s'en voulait de n'avoir pu le prévenir, d'être partie sans rien dire. Elle aurait voulu l'emmener avec elle dans le château du Comte. Mais la générosité de son bienfaiteur n'était pas infinie, et elle le savait très bien.

Petit à petit, son souvenir s'estompa en même temps que celui de Jean, et elle oublia finalement le timbre de sa voix, les traits de son visage.. pouvait-on l'en blâmer ? Elle avait le sentiment de reprendre un statut qui lui revenait de droit. Un statut dont elle avait été privée depuis bien trop longtemps, et dont elle embrassait chaque aspect, au fil des jours, avec une volupté étourdissante. Laissée à elle-même, elle avait tout le temps de songer à sa vengeance contre Danglars et à la nouvelle vie qui s'offrait à elle.